La Môme
Marion Cotillard et moi, c'est une longue histoire qui mériterait presque un billet à elle toute seule. On verra si j'en ai le courage un jour. Tout ce que je peux dire, pour résumer cette relation, c'est que je crois en son talent depuis la première fois où je l'ai vue dans un film. Petit à petit, elle a confirmé l'image positive que j'avais d'elle, devenant même l'héroïne d'un de mes films préférés, ou plutôt d'un des rares films qui m'est affreusement nécessaire - Les Jolies Choses. Là aussi, il y aurait beaucoup de choses à dire.
Quand j'ai vu qu'elle allait incarner Edith Piaf au cinéma, je n'ai pas eu peur. Quand j'ai vu les premières images du film, je savais qu'il allait non seulement avoir du succès, mais que Marion Cotillard y offrirait une interprétation exceptionnelle. Dimanche soir, elle m'a confirmé cela.
J'imagine que ceux qui avaient envie de voir le film l'ont déjà fait; et je sais que mes propos ne sont quelques lignes supplémentaires sur ce sujet qui a déjà dû faire fureur sur de nombreux blogs. Qu'importe. L'histoire, on la connaît; c'est celle d'Edith Piaf, une femme qui n'était petite que par la taille (oui, j'ai le droit d'écrire des clichés). Tout le reste, ses passions, son talent, ses souffrances, ses chagrins d'amour, ses maladies, tout est grand. Exacerbé. Il y a des êtres lourds de malheur; et parmi eux, il y en a, rares, qui gardent la tête haute. Edith monte et remonte sur scène, parce que c'est sa vie. Edith aime, collectionne les amants, parce qu'une existence sans amour serait incomplète, inaboutie, ratée. Edith râle, se bat, mais c'est ce caractère-là, parfois infect, qui lui a permis de s'accrocher, toujours. Edith n'a rien d'une faible.
Alors, incarner un tel personnage, pour une actrice, c'est plus qu'un challenge, c'est un quitte ou double. Soit tu échoues, soit tu crèves l'écran. Marion Cotillard, forcément, réussit. Elle livre dans ce film une performance à couper le souffle, arrivant même à en faire oublier qui est l'actrice derrière les traits fatigués, malades, de la grande chanteuse française. Ce n'est que par instants, dans un sifflement de voix, que je reconnaissais le timbre de ma si chère Marion. Elle ne joue pas - elle est Piaf. Le travail extraordinaire est confirmé dans la déchéance, physique, d'Edith. Marion Cotillard semble rapetisser. Se ratatiner. Elle paraît si vieille, fatiguée, malade, j'avais peur qu'elle meurt, devant nous, en direct.
Tant de perfection pourrait gêner, et heureusement Olivier Dahan, le réalisateur, contrebalance toute cette réussite grâce à un scénario d'une pauvreté affligeante. D'ailleurs, il n'y a même pas d'histoire, mais que des scènes miniatures, des clichés "Edith et les cours de chants", "Edith se pique", "Edith a vieilli", "Edith est amoureuse"... Tout va trop vite, et trop mal. On a l'impression qu'elle ne côtoie Marcel Cerdan qu'une dizaine de jours, alors qu'ils ont vécu ensemble un peu plus d'une année de bonheur... Edulcorations, raccourcis, maladresses. Certains personnages sont ratés - dont la mère d'Edith, jouée par Clothilde Coureau (un petit aparté : l'avez-vous déjà regardée sourire ? elle est sublime; ses yeux brillent, et tout son visage s'illumine. Elle joue d'ailleurs dans l'un des grands films de ma vie, Elisa de Jean Becker. Je ferme la parenthèse).
J'oublie de nombreux défauts, mais je n'aime pas être méchante gratuitement. J'en retiens une bande-son habile (les morceaux instrumentaux des chansons de Piaf, qui agrémentent notamment les scènes de son enfance, m'ont fait jubiler), une tristesse abyssale, et une interprétation parfaite, magistrale, de Marion Cotillard. J'ai même envie de réécouter Edith Piaf, moi qui tique un peu devant son timbre de voix. Pour tous ces éléments ô combien réussis, je garderai un fort souvenir de cette séance.
Pour terminer, voici un bref extrait du film, qui finit un peu abruptement, pardon :