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N.u.l.l.e.
28 avril 2007

Eux

Quand on n'a pas le moral le samedi matin, ça vaut peut-être le coup de sortir de chez soi pour aller voir un vieux film d'amour au cinéma. En effet, depuis ce matin même, "mon" petit cinéma d'art et essai dans lequel je ne me sens jamais à ma place, projette ceci :

(Holly, ne lis pas ces lignes, je sais que tu aimes ce film et je ne suis pas sûre de bien en parler)

Il s'agit donc d'Elle et lui (An Affair to remember en anglais) de Leo McCarey. Nicolas Ferrante (Cary Grant) part d'Europe et rejoint New-York où il doit épouser sa fiancée Lois. Lui est charmeur, volage, gourmand de femmes. Elle est à la tête d'une immense fortune - raison suffisante pour épouser quelqu'un, non ?
Sur ce bateau, il rencontre Terry McKay (Deborah Kerr). Il la remarque car, au lieu de le suivre à la trace en quémandant un autographe ou plus, elle lui tient tête. Terry a du caractère, et vit une belle histoire d'amour avec Ken depuis cinq ans... Quand une femme aime, elle ne fait pas attention aux autres hommes qu'elle peut croiser.
A croire qu'il y avait une faille dans les sentiments de Terry...

dkport5

Nickie est terriblement séduisant, Terry est finement intelligente. Il n'a jamais travaillé de sa vie, elle a passé de nombreuses soirées à chanter dans des endroits qui ne la méritaient pas. Nickie n'est pas dénué d'humour, et Terry de charme. Ils étaient faits pour se rencontrer. Lui qui court après le plaisir perd ses repères devant cette femme qui a bien plus à lui offrir qu'une vulgaire liaison, consommée sur les mers et oubliée dès la terre en vue. Ils voulaient juste rejoindre ceux qui les attendent, ils pensaient y arriver sans encombre. Mais peut-on être raisonnable dès qu'il s'agit d'amour ?
Peut-on se forcer de s'éloigner de l'objet de nos pensées, sous prétexte qu'un(e) autre nous attend, ailleurs ? Cette histoire n'est pas amorale. Personne n'est marié - tellement plus facile de se quitter quand personne n'est engagé par une foutue bague à l'annulaire gauche !
Ce qui pourrait être romantique (des balades sur le quai quand les étoiles brillent, les coupes de champagne rosé) est gâché, rendu caduque, à cause de cette conscience qui les anime tous les deux et qui les empêche de croire en un amour possible.

Lorsque la traversée se termine, ils décident de se revoir six mois plus tard, au 102e et dernier étage de l'Empire State Building. Six mois pour s'assurer de leurs sentiments, pour organiser leur vie au point d'y recevoir l'autre. Six mois pour gagner de l'argent, et subvenir à leurs besoins personnels. Six mois pour voir si leur idylle est sérieuse.
Quand vient l'heure du rendez-vous,

empire
(photo non tirée du film)

l'un d'eux ne viendra pas. Il aura une bonne raison à cela.
L'autre attendra. Il pleuvra, il y aura un orage terrible. Il attendra jusqu'à minuit, alors qu'il avait dû sentir, dès la première minute de retard (le rendez-vous était à 17h), que rien n'arriverait. L'attente sans espoir est terrible, parce que vaine.
J'en ai déjà trop dit pour ceux qui n'auraient pas vu ce film (sorti en 1957) mais j'ai envie de taire le pourquoi de ces non-retrouvailles.
Celui qui ne vient pas restera des mois sans rien dire, préférant souffrir en silence de ne pas avoir pu prendre cet ascenseur, jusqu'au 102e étage...
L'amour rend stupide, c'est certain. Celui qui n'est pas venu veut s'en sortir tout seul, prenant le risque que l'autre l'oublie entre temps. Mais, comme l'a dit un jour Holly en ces pages (je promets d'écrire un jour un billet où je ne la citerai pas !!), ceux qui nous aiment réellement attendent éternellement. Quand j'ai froid, je me drape dans cette phrase en espérant qu'elle soit vraie...
... elle l'est.
Mais on a raison, malgré tout, de douter, de vouloir chaque jour apporter la preuve à l'autre qu'on ne l'oublie pas. Celui qui n'est pas venu au rendez-vous se terre dans un silence impardonnable. Un animal blessé fuit, c'est bien connu. Les chats font ça. Ils ne disent rien, ils restent dans leur coin. Ils en crèvent parfois mais il arrive aussi qu'ils se relèvent et reviennent vers leurs maîtres. Par fierté, ils tairont la douleur qu'ils ont sentie, l'immense solitude qu'ils ont traversée.
Celui qui n'est pas venu attend le bon moment pour revenir sur la scène. Mais ce moment viendra-t-il vraiment ? L'autre l'attendra-t-il aussi longtemps ? Le spectateur doute un peu mais il se replonge ensuite dans son fauteuil : au cinéma, tout est possible.
Au cinéma, si Cary Grant décide de tomber amoureux d'une femme qu'aucune n'égale, on sait qu'il sera exaucé par un amour réciproque. Peut-on refuser quoi que ce soit à Cary Grant ? Quand on le voit dans ce film, la réponse est claire : non. C'est dégueulasse, pour les autres hommes qu'il éclipse totalement, d'avoir autant de charme et de classe. Un regard et vous n'existez plus, mesdames. Face à lui, Deborah Kerr est presque... normale. Une rousse au caractère mutin et intransigeant. Une femme faite pour le bonheur, le vrai, le grand.
Le film, qui contient tant de sourires, se termine sur une gorge serrée (la mienne). Oui, l'amour rend stupide. Heureusement que l'autre, celui qui est bien venu au rendez-vous, heureusement qu'il frappe à la bonne porte et découvre les blessures de l'autre, cet autre qu'il aime toujours. Le reste, c'est entre elle et lui...

elle_lui

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Commentaires
E
* Lilly, tu seras châtiée pour manquer ouvertement de respect à l'encontre de Cary Grant, qui est quand même Cary Grant, hein. <br /> (pour les UV, je crois que tu as raison)<br /> Je me souviens très mal du film, c'est donc difficile pour moi d'en parler, et je comprends qu'on puisse ne pas accrocher, oui... le voir sur grand écran avait dû jouer dans mon état charmé, aussi.
L
J'aurais aimé voir le même film que toi, mais j'avoue avoir été déçue. Je n'ai pas du tout accroché au couple formé par Kerr et Grant. Je les trouve mal assortis (à part peut-être lors de la scène où ils s'embrassent, mais où l'on ne voit que leurs jambes). En plus, j'ai presque honte de le dire, mais je trouve Cary peu séduisant dans ce rôle, il a l'air d'avoir abusé des séances d'U.V. (on dirait qu'il a la couleur et la substance d'un lapin de Pâques). Je préfère son fiancé en fait.<br /> En revanche, la chanson est superbe... C'est dommage, parce que l'histoire est belle et riche sur le papier.
E
Tu choisis drôlement bien tes héros ! :-)<br /> Merci pour ton commentaire et ton indulgence. Je n'en dis pas plus, je suis fatiguée mais j'ai le sourire !
H
Mon Dieu ! Tu parles de MON film (je sais, je suis possessive) et tu lui fais diablement honneur. Merci, mon amie. <br /> Oui, la phrase que tu cites est vraie. C'est mon credo. <br /> Ce film raconte un peu mon histoire en plus... Je t'expliquerai ceci en détail un jour. <br /> J'ai relu trois ou quatre fois ton billet, ceci est la preuve de sa grande valeur émotionnelle pour moi. Je suis heureuse que tu aies vu ce film. Il est un remake par le même réalisateur. La version ancienne est belle aussi, mais je préfère celle-ci à cause de Cary.<br /> Merci mille fois pour ce superbe billet.<br /> Et vive Cary Grant, un de mes rares héros (avec Barrie) !
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