Du pouvoir de la littérature sur le sexe faible
Les femmes qui lisent sont dangereuses
de Laure Adler et Stefan Bollmann (2006)
Il y a des titres irrésistibles. Puis il y a le livre en lui-même, un grand objet avec des pages glacées où il y a plus d'images que de mots. Après la préface inutile de Laure Adler, on trouve celle, plus agréable et instructive de Stefan Bollmann, et l'on entre ensuite dans l'histoire de la lecture vécue par cette étrange créature qu'est la femme. On leur a longtemps interdit cette activité perverse; pourquoi la femme saurait-elle lire ? Puis, doucement, prudemment, on lui a autorisé la lecture de la Bible. Texte sacré qui a mené, doucement, aux autres... Ce livre, plus qu'une étude littéraire (ce à quoi je m'attendais initialement), est un cheminement à travers les siècles, et à travers les arts. Peinture, sculpture, photo - les femmes sont immortalisées, tenant dans leur main un livre, une lettre, quelques mots furtifs. Chronologiquement, on assiste à l'évolution des moeurs, à l'ouverture de champ d'évasion extraordinaire qu'est la lecture. Les femmes lisent la nuit, elles lisent pour leurs enfants, elles lisent à voix haute et silencieusement, les servantes se cachent avec leur ouvrage, les femmes brûlent, rêvent, s'évadent, elles vivent.
Les illustrations sont superbes, captivantes. Pour quelqu'un comme moi qui n'entend rien à la peinture, cette mosaïque d'oeuvres était un enchantement... chaque tableau est accompagné d'un commentaire portant sur le peintre, le modèle ou sur l'analyse même du tableau. Passionnant ! Je succombais à chaque page de tournée. Voici un petit échantillon des oeuvres que vous pourrez trouver dans ce beau livre :
Pieter Jannsens Elinga, Femme lisant, XVIIe siècle
(la femme est, en l'occurence, une servante; elle néglige son travail et le rangement de la maison (cf les chaussures qui traînent, le coussin tombé sur le sol, les fruits déposés rapidement sur une chaise) pour s'offrir quelques instants de lecture)
François Boucher, Madame de Pompadour, 1756
(un de mes préférés !)
Vittorio Matteo Corcos, Rêves, 1896
(il s'agit de la couverture du livre; il y aurait beaucoup à dire sur cette rose sur le banc, dont les pétales se détachent et s'envolent, et sur l'air décidé (et absolument pas rêveur) de la jeune femme)
Gwen John, La convalescente, 1923
Eve Arnold, Marilyn lisant Ulysse
(dernière illustration du livre)
Un ajout personnel (je n'ai pas pu résister) :
D'autres trésors vous attendent dans ce livre... et dans les autres.