Il se nommait Corbeau...
Kafka sur le rivage
d'Haruki Murakami (2002)
traduction du japonais par Corinne Atlan
C'est incroyable comme le hasard agit bien parfois; c'est peut-être parce qu'il n'existe pas, d'ailleurs. Avec curiosité, j'avoue, je regarde parfois les mots-clé que des gens ont tapés dans divers moteurs de recherche avant de tomber chez moi. Cette semaine, j'ai eu : « fille amoureuse d'un homme sur un tableau fantôme » et « que se disent deux fantômes quand ils se rencontrent ? » et c'est exactement ça.
Exactement de ça dont parle Kafka sur le rivage. La première recherche m'a particulièrement plu, à croire que la personne avait réellement lu le roman sur lequel j'aimerais écrire quelques mots. Dans Kafka sur le rivage, on croise un vieillard analphabète qui parle le langage des chats, une fille amoureuse d'un homme sur un tableau (je laisse en suspens le mot « fantôme », et pourtant !), une pierre blanche, deux bibliothécaires très mystérieux, des sardines, des personnages plus extraordinaires les uns que les autres, et notamment un jeune garçon... surnommé Kafka, il a quinze ans et décide de fuguer (je tais les raisons qui l'on conduit à ça). Le monde qu'il va découvrir l'emmènera sur des chemins incroyables, l'obligera à mûrir, rapidement. Parce qu'on ne regarde pas le tableau fantôme sans conséquence...
J'estime que vous en savez suffisamment.
« - Tu avais de bonnes raisons de quitter la maison ?
Je secoue la tête. Que pourrais-je lui dire ?
- Il me semblait qu’en restant là-bas, j’allais finir par être abîmé au point qu’on ne pourrait plus me réparer. »
Haruki Murakami soulève un nombre impressionnant de questions, en prenant bien soin de ne pas y répondre; il faut aimer le mystère, l'inexpliqué, l'incroyable. Certaines réponses se cachent entre les lignes, j'en suis certaine, mais d'autres nous échappent. Et après tout : tant mieux. Il y a toujours quelque chose d'insaisissable dans la vie, tout ne peut être rationnalisé, catégorisé. Ici, les frontières sont floues. Alors, quel intérêt de lire un roman qui ouvre des portes sans jamais expliquer ce qui se cache exactement derrière, et bien, l'intérêt est que c'est passionnant. Les personnages sont attachants et fous, les rencontres très belles, et l'intrigue captivante. On ne peut pas lâcher le livre une fois qu'on l'a ouvert, et que les pions se sont mis en place. Il est question de solitude, de liberté, de lecture, de rêve, de peur, de mort... des thèmes exploités d'une telle manière qu'ils ont trouvé un écho dans mon petit vide intérieur. Murakami, il n'a pas peur d'affronter des idées que d'autres auraient adoucies pour les polir, les rendre plus consensuelles. Kafka sur le rivage est un roman désarmant, mais puissant. Tout le monde ne peut pas être réceptif à cette poésie-là... mais personnellement, j'en redemande !
« Tu sais, Kafka, la plupart des gens dans le monde ne veulent pas vraiment être libres. Ils croient seulement le vouloir. Pure illusion. Si on leur donnait vraiment la liberté qu’ils réclament, ils seraient bien embêtés. Souviens-toi de ça. En fait, les gens aiment leurs entraves. »