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N.u.l.l.e.
9 août 2007

Il est venu le temps des cathédrales...

Notre-Dame de Paris
de Victor Hugo (1831)

Je prends mon courage à deux mains, et je me bouscule un peu : Erzébeth, si Victor a réussi à écrire six cent pages sur le sujet, je suis sûre que tu peux en faire vingt lignes. Je repousse toujours cet instant critique mais cette fois, c'est la bonne. Pendant que certains se faisaient cramer sur des plages surpeuplés, je lisais Notre-Dame de Paris, de bout en bout, et l'exploit mérite bien d'être immortalisé ici. Ce n'est pas tous les jours que je lis Hugo le romancier, d'ailleurs, c'était la première fois.
Je sais très bien comment tout a démarré. J'étais devant Notre-Dame. Il y avait du monde, du
vent, du soleil et un petit plus qui rendait le moment merveilleux. J'ai eu une illumination : j'avais envie de lire Hugo. Puis... puis j'ai acheté le roman, qui n'aura pas attendu trop longtemps dans la salle d'attente de lecture (fait assez rare pour être souligné).

"Il ne tournait qu'à regret sa face du côté des hommes; sa cathédrale lui suffisait. Elle était peuplée de figures de marbre, rois, saints, évêques, qui du moins ne lui éclataient pas de rire au nez et n'avaient pour lui qu'un regard tranquille et bienveillant. Les autres statues, celles des monstres et des démons, n'avaient pas de haine pour lui Quasimodo. Il leur ressemblait trop pour cela."

Notre-Dame de Paris, tout le monde connaît. On connaît la cathédrale d'où tout part (et où tout revient ?), la belle Esmeralda qui fait tourner la tête au difforme Quasimodo et à l'austère prêtre Frollo... On se souvient de Phoebus, celui qu'Esmeralda aime mais qui est promis à Fleur-de-Lys. Bref, on se souvient du dessin animé made in Walt Disney, ou de la comédie musicale, ou d'une autre quelconque adaptation. Quelque part, et assez bêtement, ça me rassurait d'avancer en terrain connu : avoir quelques repères rendait le contenu (si dense) un peu moins effrayant. Un peu plus à portée de mains.
Honnêtement, j'ai souffert. Oh, pas longtemps ! Juste pendant cent cinquante pages. Il m'en a
fallu, de la patience et du temps (beaucoup de temps) pour passer ce premier cap. Pourtant, ce n'était pas particulièrement inintéressant - mais il fallait s'habituer à cette écriture, ce style qui m'était totalement inconnu, à une intrigue qui était installée en douceur. Ça, Victor Hugo, il aime bien prendre son temps; et pour être sûr que le lecteur comprend bien son propos, il n'hésite pas à rabâcher la même petite idée pendant toute une page. C'est dingue toutes les formulations différentes qu'on peut trouver pour exprimer un unique ressentiment ! Ça doit être un don très utile quand on est en pleine dissertation, qu'on manque d'idées, et qu'on connaît par cœur un dictionnaire des synonymes. Mais je m'égare.
L'histoire est en réalité différente de celle, totalement édulcorée, qu'on retrouve chez Walt
Disney. C'était peut-être évident pour tout le monde, mais pas pour moi. C'est surtout à la fin que j'ai compris à quel point on avait maltraité Victor Hugo...

Du_haut_de_Notre_Dame Projeté dans le Paris du XVe siècle, le lecteur suit, pendant quelques mois, les mésaventures qui sont engendrées par la présence d'Esmeralda la Bohémienne. On ne va pas sous-entendre que tout est sa faute; mais, inconsciemment, son charme ne sera pas sans effet sur certains hommes qui ne devraient pas être attirés par elle : Quasimodo, "bossu, borgne, boiteux", sait qu'il ressemble à un monstre et que personne ne peut éprouver de l'amour (ni même de l'amitié) pour un être aussi abject que lui. Quant à Frollo, ah... il se damnerait pour la belle gitane ce qui, pour un archidiacre, représente un léger souci éthique. Le capitaine Phoebus, lui, goûterait bien aussi à la sensualité de la jeune Esmeralda, mais l'amour réel n'existe que dans un sens : la bohémienne est follement éprise de cet homme qui tient plus du goujat que du gentleman.
A toute cette intrigue sentimentale s'ajoutent un portrait minutieux de Paris, des réflexions
sur la croyance, l'alchimie, l'architecture, la justice, l'imprimerie... Victor Hugo intervient volontiers dans son roman, soit en apostrophant le lecteur, soit en lui soumettant son opinion sur des sujets particuliers. Personnellement, cet amas d'idées ne m'a pas dérangée, ni déroutée. Si Victor a envie de faire trente pages pour nous expliquer comment s'appelait telle rue en 1482, d'accord. Mais il y a pourtant quelque chose qui mériterait d'être corrigé (oui, c'est moi qui dis ça à Monsieur Victor Hugo, je vous jure, les jeunes d'aujourd'hui ne respectent plus rien) - devrait-il moins se disperser ? ou moins s'étendre sur un petit argument, pour enchaîner plus rapidement ? Je ne sais pas. Il s'agit peut-être même d'autre chose - tout ceci, évidemment, étant totalement subjectif.
Le roman est dense, captivant (passé les 150 premières pages...), original, inattendu - c'est
exactement ça : je ne m'attendais pas à une telle œuvre, qui paraît totalement folle alors que Hugo devait très certainement la maîtriser complètement. Lui qui admire l'architecture comme témoignage de civilisations disparues, il a su créer un monument unique, une folie qui tient encore debout aujourd'hui - preuve qu'il a employé les bons ingrédients.

L'histoire est tragique, évidemment. Quelques figures se détachent parmi toutes, notamment celles de Frollo et de Quasimodo - après avoir lu quelques avis sur internet, j'ai cru comprendre que je n'étais pas la seule à justement apprécier ces deux personnages. Ils portent tous les deux des souffrances qu'ils ne peuvent pas partager, qu'ils ne peuvent pas soigner. L'homme-monstre et l'homme-déchu. Tous deux en proie à des tourments amoureux qui les rendent inhumains... La complexité de leur personnalité et la détresse qui en ressort font d'eux des personnages profonds, intéressants - des personnages dramatiques.
Quant au final - en quelques pages, en quelques lignes, Victor Hugo signe le destin de tous, sans s'émouvoir, sans verser dans un quelconque sentimentalisme. Notre-Dame de Paris m'a déroutée, et plus d'une fois. Mais Hugo a réussi à piquer ma curiosité, et même si je n'ai pas totalement succombé face à ses qualités stylistiques, je le retrouverai bientôt.

(extrait à venir)

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Commentaires
E
J'espère que je n'ai pas réellement réussi à te mettre en colère ! Ce n'était pas mon but. Je me mésestime peut-être, mais je suis incapable de me voir autrement. C'est sans importance. Mais j'essaierai de ne plus faire de remarques sur tes compliments... <br /> Merci d'être là.
H
C'est ton opinion, ma chère amie. <br /> Et je ne crois pas penser des bêtises à ton sujet. A la limite, cette considération me mettrait presque en colère pour la journée. Crois-tu que je dispose de temps à perdre et que je lirais du superficiel ou du mou ? Réfléchis bien à cette question.
E
Le problème avec toi, Holly, c'est que tu ne dis et ne penses que des bêtises à propos de moi ! ;-)<br /> Je ne suis qu'une amatrice qui reste à la surface des choses, incapable d'approfondir ou de réfléchir. On me l'a (gentiment) fait remarquer plusieurs fois pendant mes études :-)<br /> Mais merci de me lire...<br /> Et j'espère bientôt découvrir un peu plus cet Hugo que tu aimes tant !
H
Tu vois, je bois littéralement tout ce que tu écris en ce lieu. Tu navigues entre les diverses strates du texte avec une grande aisance. <br /> J'aime beaucoup ce livre et Hugo en général. Dois-je le préciser ?
E
Pas mal, Esis ! :-)<br /> Tu auras même le droit de recommencer à l'avenir !
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