... et merci encore !
(billet fourni avec fautes d'orthographe)
Voilà que j'entame ma cinquième semaine de travail, et je n'ai même pas fait de message digne de ce nom à ce sujet; une pure honte, à croire que je suis débordée comme une secrétaire. Ca tombe bien, je travaille dans un secrétariat, entièrement féminin. Normalement, on a tous des idées préconçues sur ces fonctionnaires qui sont débordées dès qu'on leur parle de deux choses différentes - et quelque part, on a raison d'avoir de tels a priori. Loin de moi l'envie de me moquer (ça ne me ressemble tellement pas !), mais parfois, je m'en veux de ne pas oser écrire sur le vif quelques-unes de leurs perles. Ca ressemble à ça :
- Erzébeth, il faudrait que tu accroches ces feuilles avec les relevés de notes qui correspondent.
- J'ai déjà cherché, mais ces relevés sont introuvables.
- Oh, d'accord. Ce n'est pas grave alors, agrafe-les avec les notes.
- ...
Entre autres. La coordination, aussi, entre les différents services, est un pur plaisir pour celui qui essaie de régler le problème d'un étudiant, par exemple. Il peut demander conseil à quatre personnes : il entendra autant de réponses que de personnes interrogées (et si ma phrase n'est pas tournée correctement, c'est absolument volontaire, n'en doutez jamais).
Mais à part ça, c'est un régal. Dès que des erreurs sont remarquées, on me les amène gentiment pour que je les résolve. Une secrétaire qui est là depuis au moins vingt ans me demande à moi, étudiante de passage, ce qu'elle doit faire. Ca papote de chauffage, d'équitation, de repas... très important, ça, le repas. Le matin, en arrivant, elles n'ont que ça en bouche. "Maryvonne, tu manges avec qui à midi ?", "Suzanne, tu t'es préparée quelque chose à manger ?".
Puis, parfois, en plein boum, alors que vous cherchez de toute urgence une secrétaire, vous la trouvez en train de faire des boutures de plantes "Je le fais de suite, ou il sera trop tard". Ben voyons.
Tout n'est pas comme ça, bien sûr. Mais si je vous raconte que tel jour, on a travaillé activement pour les dossiers de validations d'acquis, et qu'il n'y a même pas eu de pause-café, ce n'est pas drôle, nous sommes d'accord. C'est pourquoi je vais vous raconter mon lundi.
Le lundi, comme chacun le sait, est un sale jour. Normalement, il succède au dimanche, et même au samedi, jours bénis où nous sommes censés nous reposer un peu. Moi, j'ai pas pu; de toute façon, il me faudrait trois semaines d'arrêt pour un peu reprendre forme humaine, tant je ressemble à un cheval qui aurait raté une haie.
Donc j'arrive lundi matin, en priant mentalement pour qu'on me renvoie chez moi très vite (ce qui arrive quand j'ai terminé tout mon travail - ce qui était le cas en l'occurence, donc comprenez le fol espoir que je nourrissais). Manque de pot, puisque je n'avais rien à faire avec ma secrétaire habituelle, je me suis retrouvée avec Jocelyne.
Nous ne dirons pas de mal de Jocelyne, ni même de son prénom (que j'ai changé). Je dirai seulement ceci : je n'aime pas travailler avec Jocelyne. En fait, je n'aime pas Jocelyne. Elle me traite comme une stagiaire, et ce sont des manières que je n'apprécie guère. Lundi matin, c'était :
"Erzébeth, pendant que je suis en réunion, fais-moi toutes ces photocopies, c'est urgent."
Ca m'a pris 2h30 - et pourtant, je n'ai pas traîné. Le point positif est que je suis devenue une experte en photocopieuse, alors que ces engins me faisaient presque peur. Format A3, recto-verso, code-secret à rentrer pour utiliser la machine, je sais tout. En 2h30, j'ai eu le temps d'apprendre. Surtout que, revenue entre-temps de sa réunion, Jocelyne m'a expliqué que, zut, elle s'était trompée. Je devais bien photocopier tout ce tas de dossiers, d'accord, mais il fallait une photocopie supplémentaire d'une feuille précise. Alors il faut tout reprendre, et ce n'est pas une perte de temps, pas du tout. Mais Jocelyne, elle pense que je suis là pour accomplir les tâches ingrates; d'ailleurs, c'est pas la seule à penser ça. J'ai entendu quelque chose de ce genre :
"Quoi, il y a tout ça à faire ? Mais c'est un travail de vacataire, ça !" (note de moi-même : les étudiants sont des vacataires, embauchés pour une courte durée). Cette remarque entendue au vol m'a fait outrageusement plaisir (et je me suis faite toute petite dans mon coin de photocopieuse pour qu'on ne m'encombre pas à nouveau d'un travail monotone).
Quand j'eûs enfin terminé toutes mes copies, Jocelyne m'a dit que, si je voulais, je pouvais maintenant envoyer le tout aux étudiants. Seulement, je ne voulais pas - mais ça, je n'ai pas eu le droit de le dire, évidemment. Au moins, j'ai été occupée jusqu'à 14h30, en entendant toujours des "c'est urgent" agressifs, teintés d'un léger défaut d'élocution (Jocelyne zozotte un peu). A ce stade de la journée, je n'avais qu'une envie, l'étrangler. Parce qu'évidemment, quand elle me donne une tâche précise, elle n'hésite pas à m'interrompre (soit), de manière désagréable (j'apprécie déjà moins) et pour me refiler ce qu'elle a la flemme de faire. "Va aux archives me chercher un document de 1984" (c'est vrai, ça, en plus), "Occupe-toi des étudiants qui viennent me voir" (d'accord, et je leur raconte quoi ?), "Tiens, fais-moi un courrier, c'est urgent".
J'ai passé l'après-midi avec elle, à classer des relevés de note. Trois tas, ceux qui sont admis d'office, ceux qui sont totalement recalés, et ceux qui vont passer devant un jury pour que leurs cas soient analysés. Oh que j'aime me lancer dans des tâches aussi merveilleuses, enrichissantes, agréables, surtout quand je les exécute en face de Jocelyne, et qu'elle m'agresse de son horrible voix - "Tiens, Erzébeth, lis-moi ces papiers, et moi je tape les notes, ça ira plus vite à deux". C'est leur grande spécialité, ça, dans ce secrétariat : travailler à deux, sur une tâche qui ne nécessite qu'une personne. Ca a le don de profondément m'énerver. Tout est toujours compliqué, alors qu'il suffit d'un peu de logique et de bon sens. Mais ça, elles n'en ont pas dans leurs sacs à main.
Jocelyne, elle, aime bien concentrer toute son énergie sur une seule tâche. Elle est secrétaire, mais si elle travaille sur l'ordinateur, elle
. ne répond plus au téléphone (phrase entendue : "Ca m'énerve qu'on m'appelle quand je suis occupée !" - ...)
. ferme sa porte à clé (alors qu'elle doit accueillir et renseigner les étudiants)
Jocelyne, elle est monovalente; mais elle trouve quand même le moyen, le soir, de me dire "A force de réfléchir, je me sens toute fatiguée". Le plus dur, dans un tel cas, est de ne pas rire.
La journée s'est terminée avec une dernière gentille remarque, un :
"Ferme les volets."
Pas un s'il-te-plaît, pas un "Tu peux fermer les volets ?", rien. Si tu veux, demain, je viens laver le sol de ton bureau...
Tout ça ne méritait pas un tel déballage, il n'y a finalement rien de grave, si ce n'est une pure incompatibilité d'humeur entre cette femme et moi. Fin novembre, je serai libérée.
Quoi qu'il en soit, lundi soir, Jocelyne ferme son bureau, commence à partir. Sans se retourner, elle me lance un :
"... et merci encore !"
Sauf que c'était son premier merci en un mois.
Rien de bien important.
- Au fait, c'était le 100ème message sur ce blog.
Merci aux courageux qui prennent le temps de me lire !