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N.u.l.l.e.
1 décembre 2007

"Back to the trees"

(le titre est un clin d'œil à ma lecture précédente)

La harpe d'herbes
de Truman Capote (1951)

traduction de M.-E. Coindreau

Vous êtes chez vous, vous venez de terminer ce roman que vous lisiez depuis quelques jours. Malgré votre PAL atteignant des sommets, rien ne vous tente réellement parmi les titres qui s'entassent ici et là, dans votre logement. Non, ce que vous voulez, c'est de la poésie, un roman terriblement humain, tendre, qui vous émouvrait parce que le narrateur-adolescent, c'est un peu vous, ou c'est un peu ce qui reste de l'enfant en vous. Vous avez envie de quelque chose de beau, tout simplement.
Heureusement, la beauté est là, à portée de librairie (/de bibliothèque); elle prend la forme de La harpe d'herbes, roman de Truman Capote (mais vous le savez déjà si vous avez lu, et je n'en doute pas, les premières lignes introductrices).
Je prends des détours parce qu'il est difficile de rendre à sa juste valeur la douce poésie qui émane de ce roman; j'avais d'ailleurs eu le même souci avec Breakfast at Tiffany's du même auteur, à propos duquel j'ai fini par renoncer à écrire dessus.
Ici, dès la première page, on trouve :
"Au pied de la colline il y a un champ de hautes herbes indiennes qui change de couleur avec les saisons : allez le voir en automne, à la fin de septembre, quand il a pris la couleur rouge d'un coucher de soleil, quand des ombres écarlates y soufflent comme des lueurs de feu et que les vents d'automne tirent des feuilles sèches une musique de soupirs humains, une harpe de voix."
J'étais déjà conquise.

Collin n'est pas un adolescent comme les autres, parce qu'il est orphelin, parce qu'il a été petit très longtemps, et parce qu'il vit dans une drôle de maison, où cohabitent deux sœurs (ses cousines) : Verena est vieille, sèche, intransigeante. Dolly est doucement décalée, on l'a dit un peu folle; sa chambre est rose bonbon et elle passe ses journées avec Catherine, la fantasque servante noire qui met du coton dans sa bouche pour compenser la disparition de ses dents, et pour tenter d'être intelligible (mais seuls Collin et Dolly la comprennent).
Puis un soir, Verena est un peu plus méchante que d'habitude et Dolly, qui se sent blessée, décide de partir avec Catherine. Inévitablement, quand Collin apprend ce départ, il veut absolument se joindre à elles. C'est donc à trois qu'ils s'installent dans une cabane construite dans un arbre, à l'endroit où l'herbe joue de la harpe...

Et je tais la suite, en signalant simplement ce roman humain sera le lieu de nombreuses rencontres. En cela, ce sont moins les événements qui comptent que les personnes qui les vivent, avec leur sensibilité propre. La mince épaisseur du livre (il compte 222 pages) est compensée par la richesse des sentiments des personnages, où l'on trouve en tête le narrateur, Dolly et le juge Charlie Cool qui les rejoint très vite dans leur arbre. La harpe d'herbes est une ode à l'amour, à la vie, à la générosité. Collin ne se sent pas totalement accepté tel qu'il est, et ce petit événement dans sa vie que représente la fuite dans l'arbre, l'aide à comprendre qui sont ces femmes avec qui il vit, et découvre que si elles paraissent un peu folles, c'est simplement parce qu'elles n'ont pas fait de concession entre leur monde, personnel, imaginaire, intime, et l'image qu'elles offrent d'elles au monde réel. Elles ne jouent pas; Dolly est d'ailleurs très émouvante lorsqu'elle raconte l'amour qu'elle porte naturellement aux gens, alors que les gens, justement, sont effrayés par cette personne qui outrepasse les normes. Le chapitre III est sublime de délicatesse; les personnages s'y livrent sans fard, et cette sincérité désarmante a trouvé écho en moi.

"... et, vous savez, elle l'aimait; je les voyais souvent quand j'allais à la pêche. Ils étaient très heureux. Elle était pour lui ce que personne n'a jamais été pour moi, la seule personne au monde... à qui on ne cache rien.
[...]
- La seule personne au monde...? C'était Riley qui répétait la phrase du juge; sa voix traînait, interrogative.
- J'entends, expliqua le juge, une personne à qui on puisse tout dire. Suis-je idiot de vouloir une chose pareille ? Ah, quand on songe à l'énergie qu'on dépense pour se dissimuler, tellement nous avons peur qu'on nous identifie."

Littéralement, La harpe d'herbes met du baume au codeur; c'est une douce caresse (celle du vent ? de l'herbe, comme quand on s'y allonge ?), aux tendres couleurs, comme une vieille photographie qui nous raconte des histoires d'autrefois, et nous fait sourire.  A courir dans l'herbe, on se griffe les jambes, il y a toujours quelques ronces qui se jettent sur les mollets dénudés. Je veux dire par là que ce roman n'est pas une simple sucrerie; et j'ai laissé le jeune Collin avec un pincement au cœur.

Il serait trop bête de passer à côté de cette douceur.

Merci à Holly... je l'ai reconnue dans ce beau roman qu'elle m'a offert.

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Commentaires
E
Oh, Mo, tu pouvais difficilement me faire plus plaisir... et ton mélange d'émotions, je le comprends, c'est un roman si sensible, que je suis heureuse qu'il t'ait touchée !
M
j'avais noté le titre, je viens de finir le roman, j'ai envie de pleurer, et en même temps c'est très beau, très doux... Merci d'en avoir parlé ici!
E
Ca m'a tellement plu, si tu savais... ce si beau roman a trouvé écho en moi. Merci à toi !! <br /> Je lirai aussi "De sang froid", j'en ai envie depuis des années. Découvrir une autre facette de Capote me tente beaucoup.
H
Mon dieu, tu en parles avec tant de délicatesse ! Je suis heureuse que les mots de Capote aient trouvé leur chemin jusqu'à toi. Merci.<br /> De sang froid est une oeuvre d'une toute autre veine en Capote...
E
Ca, je ne doute pas que ça soit différent de "De sang-froid", effectivement ! Je ne l'ai pas encore lu, mais j'en ai fort envie.<br /> Je pense que tu devrais succomber, surtout que tu as déjà le livre... dis-toi que c'est un autre auteur ! :-) C'est une merveilleuse douceur.
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