Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
N.u.l.l.e.
19 juin 2008

« Le temps est une lime qui travaille sans bruit » [Marathon, épisode 2]

(le titre est un proverbe algérien)

algerie_femme_algerienne
La féconde, de Farid Benyaa
(
son site, où vous pourrez voir d'autres superbes peintures)

Aujourd'hui, il y a comme un problème. En fait, ça a commencé hier; j'écrivais un billet quand, arrivée aux trois quarts, je me suis dit "Tu sais que tu ne pourras jamais poster ça ?"
Je le savais, mais comme j'avais sommeil, j'ai tout laissé en pensant que ça irait mieux demain - donc aujourd'hui. Mais ce n'est pas vrai du tout, alors je suis bien embêtée.
Ce billet était l'épisode 2 du Marathon des Mots. J'y racontais les lectures auxquelles j'ai assistées (dont un joli trio autour du Vieil homme et la mer, d'Hemingway, mis en musique avec une harpe), j'évoquais les rencontres-débats que j'ai pu suivre. Mais ce n'était pas intéressant, c'était mal raconté; ça n'avait que peu d'intérêts, parce que ma mémoire (inexistante) n'a pas retenu l'essentiel des propos échangés.
J'ai juste appris que la littérature algérienne, et plus largement la littérature francophone africaine, méritaient qu'on s'y attarde, parce que les auteurs apportent un nouveau souffle, de nouvelles histoires, et nous parlent de ces cultures qu'on connaît mal, faute d'intérêt de notre part. Quel dommage.
Sofiane Hadjadj est un éditeur et écrivain algérien, qui travaille ardemment pour que les auteurs algériens soient publiés dans leur pays; ça n'a l'air de rien, comme ça, alors que c'est un réel souci culturel et identitaire pour l'Algérie. En général, les Maghrébins qui écrivent en français se font éditer en France; mais c'est ensuite difficile de trouver leurs livres au Maroc, en Tunisie, en Algérie, parce qu'il y a des problèmes de droits, et parce que le livre devient beaucoup plus cher que s'il avait été édité sur place - et le grand public ne peut donc pas lire les auteurs de son pays. Les Algériens vivent cela comme une fuite de leur culture, alors que c'est justement un peuple qui cherche à affirmer son identité, à montrer quelles richesses il peut offrir.
Sofiane Hadjadj a créé les
éditions Barzakh; je vous invite à visiter le site, et à lire la présentation (en plus, vous y apprendrez le sens du mot barzakh, et c'est toujours bon pour briller dans les soirées mondaines).
Cet éditeur n'était pas seul quand je l'ai rencontré, il débattait avec Alain Mabanckou (qu'on ne présente plus, mais dont on peut quand même citer le
site officiel, ça fait toujours sérieux. Tenez, il a même un blog). Tous les deux ont été passionnants, parsemant leurs discours de références que je n'ai pas pu retenir, n'étant pas très familière des noms orientaux, africains... J'ai néanmoins compris qu'il était important de lire deux auteurs algériens : Kateb Yacine, avec Nedjma puis la trilogie Algérie de Mohammed Dib (dont les titres sont : La Grande maison, L'Incendie et Le Métier à tisser). Ce sont des textes fondateurs pour les Algériens, le terreau (si je puis dire) de leur littérature actuelle, bref, si on veut découvrir l'Algérie, j'ai cru deviner, suite à l'insistance des deux hommes, qu'il fallait commencer par là. J'ai Nedjma près de moi, je vous en parlerai bientôt.

Dans une autre rencontre, j'ai failli entendre Ken Bugul (dont le pseudonyme signifie "Personne n'en veut", c'est assez terrible) mais l'écrivaine sénégalaise avait malheureusement oublié ce rendez-vous (et j'en étais très attristée, d'autant plus que j'étais à deux doigts de succomber devant un de ses textes, et que j'aurais beaucoup aimé entendre cette femme). Ce fut donc un rendez-vous manqué, mais compensé en partie par la présence de Vénus Khoury-Ghata, écrivaine d'origine libanaise qui vit en France depuis des dizaines d'années. Elle nous a beaucoup parlé de ses deux cultures, indissociables dans sa vie et dans son œuvre; elle a expliqué que l'arabe influençait énormément son écriture (elle rédige directement en français), et que ça l'aidait à avoir un style coloré, imagé, débordant de métaphores et de lyrisme; tout en restant modeste, elle était très fière de ne pas écrire comme les auteurs contemporains français (le nom de Christine Angot est curieusement revenu plusieurs fois), parce qu'ils manquent d'imagination et de souffle. Vénus Khoury-Ghata écrit aussi de la poésie et elle nous a raconté qu'une femme l'avait un jour traduit en arabe : elle n'avait pas reconnu son travail. Depuis, l'auteur préfère se traduire elle-même, parce qu'elle sait que la traduction est à la fois une trahison (du texte original) et une réécriture, et que certains traducteurs se limitent à une simple transcription, ce qui détruit toute la mélodie.
Elle était accompagnée de
Francis Pornon, un Français parti enseigner en Algérie, un voyageur qui a écrit des romans et des récits de voyage, un peu comme le témoin d'une époque qui mériterait qu'on se souvienne d'elle. C'était un homme visiblement très humble, très posé, qui proposait un regard d'étranger sur un pays qu'il affectionne particulièrement (l'Algérie), et son point de vue devenait de fait très intéressant. Hélas, je vous ai déjà parlé de ma mémoire ? Je ne pourrais pas retranscrire le moindre de ses propos, même maladroitement, j'aurais trop peur de les déformer. J'ai juste retenu qu'il pouvait être très intéressant d'écouter cette vision-là des choses, et que si la thématique vous intéresse, se pencher sur Francis Pornon peut être enrichissant...

Voilà donc un survol de mes découvertes marathoniennes; je n'aurai pas participé à grand-chose cette année (c'est leur faute, les dates ne me conviennent jamais, ils ne pourraient pas le faire un peu plus tôt, ou un peu plus tard ?), mais la qualité était là, et je suis ravie d'avoir pu approcher cet univers francophone qui m'est totalement inconnu, et qui m'intéresse désormais au plus haut point. Si vous avez des conseils à ce sujet, que ce soit sur la littérature algérienne, africaine, sur des auteurs ou des textes qui vont particulièrement marqués, n'hésitez pas... La porte est ouverte.


Quelques liens :
Un article sur la francophonie dans l'édition française (et à la fin de l'article, une multitude de liens sur cette thématique francophone)
Une interview de Ken Bugul
La Plume francophone, un blog qui s'intéresse à la francophonie dans son ensemble; vous y trouverez notamment un dossier sur Kateb Yacine
Un site très complet sur la littérature algérienne

etc...

Publicité
Commentaires
E
* Mo, merci pour ce commentaire ! Les conseils sont très précieux. <br /> C'est justement "De l'autre côté du regard" que j'ai failli acheter, c'est rare mais la 4e de couverture m'a charmée immédiatement... De ce que tu cites, j'ai déjà lu "Allah n'est pas obligé", un coup de poing que ce livre ! Amin Maalouf m'avait terriblement ennuyée avec son "Périple de Baldassare", une immense quête où il ne se passait rien...<br /> Je crois que je vais sagement écrire dans mon cahier fourre-tout les références que tu proposes, pour ne rien oublier... même si je suis un peu réfractaire à l'humour ou disons qu'il est très difficile de me faire rire avec un livre; de fait, je ne suis pas sûre que Calixthe Beyala ou le sage Nasreddine puissent me convenir... mais j'essaierai quand même, histoire de combattre les préjugés ! Enfin, beaucoup de choses m'intéressent dans ce que tu évoques, merci ! C'est vrai qu'une certaine littérature africaine est très dure, mais ce qui est étonnant pour nous qui avons peu l'habitude, c'est ce style, cette "force de vie" qu'on sent derrière tout ça, c'est pessimiste et tellement vivant aussi...<br /> L'Iran, je ne connais pas-du-tout. L'année prochaine, le Marathon des mots mettra en avant Alexandrie et Le Caire... il faudrait qu'on fasse un échange, que j'aille à Saint-Malo, et que tu descendes dans le Sud ! :-) Je pense aussi que ça te plairait.<br /> <br /> * Fashion, quelle bonne idée d'avoir fait étudier ce texte ! Et c'est vrai que le mélange horreur des propos/ légèreté du style est détonnant, une grande réussite...<br /> <br /> * Alice, je n'ai pas beaucoup de choses à te répondre, je me contente de noter tes nouveaux conseils :-) J'ai un peu regardé ce qu'on fait Dongala et Tanella Boni, il faut quand même avoir sacrément le moral pour se lancer dans des lectures aussi dures... <br /> Je suis très curieuse de voir ce que donnerait Kourouma sur une scène de théâtre, ça doit être particulier !
A
Précision concernant le billet de Mo :<br /> - "De l'autre côté du regard", de Ken Bugul, un texte sur sa mère, très dur" moi aussi j'ai lu ce livre poétique édité au Serpent à Plumes comme "Matin de couvre-feu", de Tanella Boni. Natacha Appanah, "Blue Bay Palace" Continents Noirs chez Gallimard, elle est de l'île Maurice. Maïssa Bey : le titre "cette fille là "<br /> - "Allah n'est pas obligé" de Khourouma un grand livre j' ai vu une adaptation théâtral de ce livre sublime. @Fashion : c'est une très bonne idée de faire étudier ce livre ! Cela ouvre les horizons ! <br /> Dans la même veine moi j'ai beaucoup aimé Dongala.
F
Ah, j'ai lu "Allah n'est pas obligé" et j'ai adoré! Je l'ai fait lire à mes BTS l'an dernier : un choc! C'est un très bon roman, à la fois dur et drôle (le style semble tout dédramatiser pour t'assener des horreurs).
M
Puisque tu laisses la porte ouverte, j'en profite!<br /> J'ai découvert la littérature africaine il y a quelques années avec "De l'autre côté du regard", de Ken Bugul, un texte sur sa mère, très dur. Pour l'Afrique subsaharienne, je te conseillerai aussi Khourouma, dont j'ai lu "Allah n'est pas obligé" et "Les soleils des indépendances". Je me souviens d'un texte de Véronique Tadjo sur le génocide rwandais que j'avais trouvé bien écrit (j'ai des lectures joyeuses!), et d'un "Comment cuisiner son mari à l'africaine" de Calixte Beyala, que j'avais trouvé réjouissant. Et puis "Matin de couvre-feu", de Tanella Boni, pas drôle dutout celui-là. Je crois qu'ils sont presque tous parus dans la collection continents noirs chez Gallimard, je trouve la collection vraiment bien.<br /> Je crois qu'elle vient de Madagascar (ou en tous cas de l'Océan Indien) et j'ai un souvenir très doux, très triste du "Blue Bay Palace" de Natacha Appanah. Il y a aussi Fatou Diome, j'avais parlé du "Ventre de l'Atlantique".<br /> Pour le monde arabe,j'ai lu il y a trèèèès longtemps un roman de Maïssa Bey dont j'ai oublié le titre, aux éditions de l'aube je pense, avec la photo d'une petite fille en couverture (c'était l'histoire d'une petite fille). Là encore, bien dur. Sinon tu as Amin Maalouf ('jai trouvé "Samarcande" sublime), Mahfouz ou Cossery (égyptien tous deux, le second plus dur à lire je trouve), Driss Chraïbi et son "La civilisation, ma mère!", formidable de drôlerie et d'émotion, ou bien "L'inspecteur Ali", que j'aime beaucoup aussi (dans mon souvenir c'est assez barré). Tu peux aussi aller voir du côté de Nasreddine, c'est un peu le toto du monde arabe et turc, en beaucoup plus amusant! Et les éditions Mango ont sorti deux superbes albums dada, l'un sur la poèsie algérienne et l'autre sur lapoésie arabe, avec des calligraphies. <br /> Pour le moment, je trouve la littérature d'Afrique noir vraiment dure, violente, le reflet pessimiste du monde actuel. Mais je la trouve aussi terriblement vivante, inventive, imagée. En général, la plus grande noirceur est alliée à la plus grande folie verbale et à l'humour. Maintenant je voudrais découvrir un peu plus l'Iran... <br /> Tu peux aussi faire un tour sur le site des Etonnants voyageurs, ils travaillent beaucoup avec l'Afrique, il y a sûrement pas mal d'auteurs présentés.<br /> Je crois que j'aimerais le Marathon des mots!!
E
* Lilly, tu as raison, mon billet est très positif envers la littérature francophone africaine, mais elle est comme toute littérature : il y a du tri à faire, tout n'y est pas "bon" (même si ça reste subjectif). Et c'est difficile de se repérer dans ce qui existe, quand on n'y connaît pas grand-chose...<br /> J'aime beaucoup ta dernière phrase, avec ton "même si Hemingway est Américain", on dirait que sa nationalité est un défaut ! ;-) J'espère que ses livres te plairont. Et il ne faut surtout pas te décourager si tu n'accroches pas au "Vieil homme...", qui ne ressemble pas au reste de son oeuvre. J'ai lu "Les neiges..." mais ne m'en souviens que confusément... je sais que j'avais adoré, par contre.<br /> <br /> * Fashion, ton commentaire me brise le cœur. Non, bien sûr, je comprends tout à fait, et je ne suis même pas sûre que mon intérêt perdure longtemps... Je ne connais rien à la littérature asiatique, et comme tu n'avances pas beaucoup dans ton challenge, mes connaissances ne progressent pas ;-) (je suis odieuse !)<br /> <br /> * Esis, évidemment... je n'ai pas lu non plus ces Mille et Une Nuits, et quelle bonne idée de s'y intéresser ! Ca me donne envie aussi, du coup.
Derniers commentaires
Publicité
Publicité