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N.u.l.l.e.
3 juillet 2008

« Il y a tellement de beauté dans le monde...

... que ça en est insoutenable. » [American beauty]

Je ne lis jamais de manga, pour des tas d'excellentes raisons (je ne sais pas me repérer dans l'immense production - c'est cher - difficile de commencer une série par le premier tome en bibliothèque (trop de succès) - il y a trop de volumes, c'est sans fin).
Puis,
Fashion a nonchalamment évoqué un titre qui pouvait me plaire : Mushishi de Yuki Urushibara. La chance m'a souri quand je me suis retrouvée nez à nez avec les six premiers volumes de cette série, chez une copine, que j'ai littéralement suppliée pour qu'elle me les prête. C'est une chic fille, elle n'a pas fait d'histoire; j'ai tout pris.

Mushishi
de Yuki Urushibara
(première parution au Japon : 2000; un volume paraît chaque année)
traduction de Pascale Simon

Dans ce manga, nous suivons les aventures de Ginko, qui est un mushishi, soit un homme capable de voir, comprendre et maîtriser les mushi. Mais qu'est-ce, un mushi ? C'est en quelque sorte une forme de vie primitive, un "esprit" qui vit tranquillement dans la nature, à moins que l'homme ne vienne perturber son milieu naturel; il existe des mushi méchants, ou qui du moins ont des effets néfastes sur les hommes. Ces derniers ne perçoivent pas, normalement, la présence des mushi. Ils ne les voient pas, à part s'ils sont dotés d'une sensibilité particulière - sensibilité nécessaire pour devenir soi-même un mushishi.
Ginko voyage sans cesse à travers le Japon, se rendant là où ses services peuvent être utiles; certains villages sont plongés dans la peur, victimes de phénomènes inexplicables. Les mushishi parviennent à faire revenir la sérénité dans certaines familles, ou veillent du moins à ce que le mal ne se répande pas.
Mais il est parfois trop tard : il y a des faits qu'on ne peut défaire, soit parce que les mushi sont trop installés, soit parce que la personne atteinte refuse l'aide qu'on peut lui apporter.

Mushishi_1
(n'oubliez pas que ça se lit de droite à gauche; ici, la construction des cases me paraissait fort jolie)

Chaque volume contient cinq histoires, toutes plus poétiques les unes que les autres. Même les titres des histoires sont enchanteurs : Les cueilleurs de cocons vides, Le palais sous les flots, Le fil du haut du ciel... C'est même difficilement descriptible. Pour ceux qui sont familiers de l'univers de Miyazaki, il y a un je-ne-sais-quoi, au début, qui rappelle cette poésie-là : souvenez-vous des sylvains, dans Princesse Mononoké (les petits esprits de la forêt) ou encore les esprits fantômes qui viennent prendre des bains dans Le Voyage de Chihiro... Evidemment, ça ne ressemble pas réellement à cela, mais on retrouve cette ambiance un peu fantastique, lyrique, ensorcelante...
L'auteur (mais comment on l'appelle ? Une mangaka ? - exact, me dit Google) symbolise le Japon fantasmagorique que j'aime; vous savez, la poésie d'un cerisier en fleurs, des réflexions délicates, un mode de vie qui paraît hors du temps... Lire Mushishi, c'est comme voyager.
Mais tout n'est pas paisible et harmonieux; il y a certaines histoires assez terribles, qui peuvent rappeler des peurs d'enfants (les miennes, en tout cas). Dans le premier volume notamment, et plus précisément dans La lumière sous les paupières, un mushi (qui avait envahi le corps d'une jeune fille) jaillit des yeux de cette dernière pour s'échapper, en un flot puissant et infini. D'une manière générale, la mangaka aime assez s'inspirer des yeux dans ses histoires (elle avoue à la fin d'un volume qu'elle fait ça justement pour exorciser sa crainte de perdre la vue), et le jeune Ginko n'en est pas exempt...

mushishi 

Cet homme mystérieux, qui n'est attaché (apparemment) à aucun être ni aucun lieu, a fatalement eu un destin extraordinaire avant de devenir mushishi. Sans rien vous raconter, sachez que les volumes 3 et 4 s'achèvent sur des histoires consacrées à Ginko, et plus particulièrement à son enfance. Et c'est passionnant d'en apprendre un peu plus sur ce chasseur de mushi...

Actuellement, huit volumes sont parus en français. Cette "série" (parle-t-on de série pour un manga ?) est toujours en cours d'écriture, mais cela a finalement peu d'importance : vous pouvez vous contenter d'un seul volume, car ils sont tous indépendants les uns des autres. Il est quand même préférable de les lire dans l'ordre, ne serait-ce que parce que la première histoire du premier volume présente les mushi, et que c'est toujours agréable de comprendre ce qu'on lit.
J'avoue que le troisième volume m'a un peu moins enchantée que les autres (mais il reste d'excellente facture, surtout qu'on découvre un peu Ginko), et que les volumes 2 et 4 ont sans doute mes préférences.
Mushishi_3Mushihi est un manga soigné, tant dans les dessins (superbes ! d'ailleurs, dès le deuxième volume, quelques pages en couleur sont distillées dans le livre... c'est magnifique) que dans les histoires, qui sont riches et étonnantes. Yuki Urushibara aime bien utiliser les flash-back, et ça donne une nouvelle épaisseur à ce qu'elle raconte. Aussi, la mangaka conclut chaque volume avec une postface qui, en quelques lignes, évoque la genèse des histoires, et ajoute une pensée personnelle écrite sur la jaquette; même dans ces petits suppléments, elle fait preuve de poésie et de sensibilité. Un exemple ?
« Au début de l'été, j'ai vu des lucioles qui voletaient joyeusement. Ces insectes n'ont pas un vol aussi régulier que celui des oiseaux; il est instable et je ne me lassais pas de suivre leur trajectoire scintillante. De retour chez moi, une fois seule, j'ai été prise d'un sentiment d'extrême solitude. Il me semble que, dans la trajectoire lumineuse des lucioles, il y avait un signal silencieux qui s'adressait aussi bien aux lucioles qu'aux hommes. »

(à noter que Yuki (ce que je suppose être son prénom) signifie neige en japonais, et plusieurs de ses histoires se déroulent justement dans des paysages enneigés...)

Je crois qu'on aura compris mon attachement à ce manga, beau et intelligent, qui mérite largement qu'on s'y attarde...

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Commentaires
E
* Martin, m'en veux pas, je ne vais pas répondre à ton commentaire ici, surtout que tu ne repasseras jamais pour lire ma réponse... Le mail en privé était suffisant, non ? Etant d'une générosité sans borne, je te répondrai... demain, ou lundi.<br /> <br /> * Céline, c'est pas joli-joli de me reparler de cet expo Hokusai, il faudrait vraiment que je vois ça... Mais du coup, je suis heureuse de te tenter à mon tour ! Si tu succombes, je parie un paquet de carambars que tu aimeras. Tu as vu, je suis sûre de moi (on ne parie pas des bonbons à la légère).
C
Qu'est-ce que tu me tentes! En ce moment je suis pas mal attirée par le Japon (toi aussi on dirait): je découvre Mishima (prochain post), je suis allée voir l'expo Hokusai à Paris, j'aimerais voir celle sur les kimonos... Et là j'aide deux de mes amis à préparer leur costume de cosplay pour la Japan Expo!<br /> <br /> J'ai lu beaucoup de mangas il y a quelques années, mais je ne connais pas le genre que tu nous présentes... Je vais essayer d'y jeter un oeil! Je t'embrasse!
M
histoire de la beauté/laideur tu l'a lu oû ? enfin a paris ta BU ?
E
* Caro[line], merci de me conseiller Sam ! En attendant de lui rendre visite, j'ai déjà un petit aperçu avec les blogueuses (Fashion, Clarabel, toi...), ça permet de voir quelques titres ! <br /> Si Fashion te prête un de ses Mushishi, ce serait déjà un geste excessivement généreux de sa part, mais en plus, veille à prendre le premier volume... il pose quand même le cadre général de la série.<br /> <br /> * Virginie, bienvenue ! Effectivement, c'est magnifique, une invitation constante à la poésie (même si cette dernière peut aussi se cacher dans des histoires effrayantes, ou tristes). Je ne peux que t'inciter à franchir le pas ! Impossible que ça te déçoive :-)
V
Moi aussi, j'avais été très tentée par Mushishi, après ma lecture du billet de Fashion. Maintenant je suis tout à fait convaincue. Les dessins ont l'air magnifiques. Du coup j'ai envie de lire la série sans plus attendre (au moins les premiers tomes).
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