Promenades - épisode 4
Je dirais même plus : ultime épisode !
15 septembre, il était plus que temps de clore mes billets estivaux.
La dernière balade nous emmène au cimetière de Montmartre. J'avais deux-trois personnes à y visiter.
Tout d'abord, parce que je suis gentille, une petite vue d'ensemble des lieux :
La photo est un peu caduque, car elle laisse croire que le cimetière est plat - alors qu'à Montmartre, forcément, cela grimpe par endroits... D'un point de vue général, il n'y a pas la même atmosphère qu'à Montparnasse (je ne peux pas comparer avec le Père-Lachaise, j'y ai passé une demi-heure... ça m'avait beaucoup plu, mais ça me paraît bien court de juger sur une visite aussi fugace). A Montmartre, certaines tombes sont coincées sous le pont (une route passe juste au-dessus) et les recoins n'invitent pas à la réflexion, à la méditation, à la promenade tout simplement. Au contraire, il y a des endroits épouvantables où les tombes sont laissées à l'abandon. Voir des stèles cassées, des ouvertures béantes, des plaques douteuses qui recouvraient certains trous, me terrifiait presque. Visiter un cimetière, d'accord, mais qu'on cache les morts !
La palme du mauvais goût revient à :
Vous la reconnaissez, n'est-ce pas ? Sa tombe est effarante, grotesque, clinquante. Au moins, on est sûr de ne pas la rater; mais pour la punir de cet excès de mauvais goût, je ne vous montrerai pas l'étendue des dégâts - les plus courageux peuvent cliquer ici. Sensationnel, non ?
Après, qu'y-a-t-il eu d'autre ?
La jolie tombe d'un connu qui m'était inconnu (Nijinski, danseur et chorégraphe russe) :
Ou encore des familles dont le nom nous amusait (aucun respect, c'est d'un choquant !).
Nous avons eu la preuve que Dieu existe :
mais, et surtout : que Dieu est mort.
« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »
(Nietzsche, Le Gai Savoir; c'était l'instant culturel du billet, j'espère que vous en avez bien profité)
Il y a aussi cette famille-là :
qui nous a arraché quelques mauvaises blagues (on est très bon public, dans la famille).
Maintenant qu'on a pris le temps de se moquer un peu, passons aux choses sérieuses.
Bien qu'il repose désormais au Panthéon, la première sépulture de Zola existe toujours :
C'est l'une des premières tombes célèbres qui s'offre à l'œil du visiteur; je ne sais pas si le cimetière a toujours eu cette forme-là, mais je le trouvais particulièrement mal placé, le grand Émile. Confiné entre d'autres tombeaux, il me paraissait peu mis en valeur - mais soit. J'étais enchantée que la visite commence aussi bien.
A Montmartre, on croise aussi mon cher Truffaut :
La simplicité de sa tombe m'a plu; je l'ai débarrassée d'un bonbon qui dégoulinait de sucre. Je veux bien croire qu'il y ait une symbolique particulière à laisser un ticket de métro (encore que...) mais un bonbon ? Enfin, ne nous plaignons pas trop. Les célébrités à recevoir des fleurs, dans ce cimetière, sont finalement assez rares. Il avait finalement de la chance, Truffaut, puisqu'il était joliment entouré.
Stendhal aussi, d'ailleurs :
Quand je suis arrivée, une gothique y était photographiée par son petit ami; elle enlaçait la colonne et jetait un regard langoureux au portrait de Stendhal. J'ai été sage; je n'ai pas ri. J'avais envie de nettoyer ce vert qui a dégouliné sur le prénom d'Henry. Le pauvre, méritait-il ça ?
En continuant, on rencontre Théophile Gautier :
Admirez-moi cette prise de vue ! C'est magnifique ! Une œuvre d'art ! (et je pèse mes mots !)
Je me suis mise par terre pour prendre une telle photographie; j'en suis excessivement fière. D'ailleurs, c'est mon fond d'écran actuel, et c'est très beau. Je reste humble, comme vous voyez. Si vous avez envie de voir sa tombe en entier, d'accord, la voici :
Ça reste imposant.
Peut-être pas autant, toutefois, que celle d'Alexandre Dumas (fils), qui a vu les choses en grand :
C'est imposant, donc, et plus qu'on ne pourrait le croire; la statue devait être grandeur nature; cet étalage en devient presque douteux. Les quatre colonnes soutiennent une voûte où est gravé un petit message : « Je me constituai dans ma vie et dans ma mort qui m'intéresse bien plus que ma vie car celle-ci ne fait partie que du temps et celle-là de l'éternité. »
Pourquoi pas, hein.
Que cela ne nous empêche pas de continuer la visite, avec les illustres frères...
... et de l'achever avec un message trouvé sur une tombe d'un anonyme :
Il fait si bon vivre !
Jette au feu les livres,
Cherche la raison
loin de ta maison
...