Dessine-moi une tour morte
(je sais, ce titre est limite glauque. Mais il me plaisait, folle que je suis)
Lire des romans, c'est bien beau, mais des bandes dessinées, c'est pas mal non plus. Ne me demandez pas comment je parviens à exprimer des pensées aussi profondes, parfois, cela me donne le tournis.
Ces dernières semaines, j'ai lu (par ordre de préférence, attention) :
- Le Petit Prince de Joann Sfar
Alors évidemment, avec Le Petit Prince, il n'y a pas de juste milieu. Soit on adore cette histoire terriblement émouvante (voire bouleversante, n'ayons pas peur des mots), soit on ne supporte pas la niaiserie dominante.
Sauriez-vous deviner dans quel camp je me situe ?... Je fais partie des pour. Il y a quelque chose d'indéfinissable, dans ce conte, qui me broie le coeur (carrément, oui). J'étais assez méfiante à l'égard de cette BD, parce que le dessin de Joann Sfar est très particulier. Il se réapproprie un peu l'histoire en y ajoutant un zeste d'humour et d'excentricité, mais c'est infime - il reste extrêmement fidèle à Saint-Exupéry et, disons-le, il sublime le texte avec des dessins très expressifs. Je lis très peu de BD (en fait, je n'aime pas tellement ça, je crois), mais quand je reste scotchée devant une case pendant des tas de secondes, sans vouloir m'en détacher, je sais que c'est réussi. Et ça m'est arrivé je-ne-sais-combien de fois avec ce Petit Prince. Les couleurs sont très belles, l'émotion est là.
Keisha et Goelen ont bon goût; Yohan est un hérétique.
(je plaisante, bien sûr; ceci étant, les hommes ont tendance à ne pas aimer Le Petit Prince. Ca me rend très triste)
La très belle rose du petit Prince
- A l'ombre des tours mortes, d'Art Spiegelman
Vous connaissez tous cet homme - c'est l'auteur (et dessinateur) de Maus, qui raconte l'holocauste (avec des personnages transformés en souris). Il était à New-York le 11 septembre 2001; il était même tous près du World Trade Center. Sa fille, elle, était justement en cours à deux rues de là. Ce fut un traumatisme terrible dans sa vie (en même temps, c'est compréhensible). Il a alors dessiné dix planches sur ses souvenirs du 11 septembre, sur ses obsessions, sur ses angoisses. Personne de sa famille n'est mort, ce jour-là, mais il a vu des gens se jeter par les fenêtres. Ces dix planches sont d'une force incroyable, on sent à quel point, des années après, Spiegelman reste profondément marqué et hanté par cet attentat. Qu'il parvienne à s'exprimer ainsi, en dessinant, je trouve ça prodigieux.
A l'ombre des tours mortes est un album excellent.
Reste une question : pourquoi y avoir accollé un genre d'historique de la bande-dessinée ? En deux pages, Spiegelman nous présente l'éclosion et l'évolution du genre aux Etats-Unis, avec de nombreuses reproductions d'oeuvres qui ne sont pas les siennes. Ca ne colle pas avec la première partie de l'album. Ca m'a totalement ennuyée, et presque énervée. Je ne comprends pas l'intérêt éditorial, dix planches, c'était trop peu pour faire un album complet ? Sans doute, d'un point de vue commercial. Mais intellectuellement parlant, c'était une oeuvre accomplie, qui n'avait besoin de rien d'autre pour exister.
- Ghost world de Daniel Clowes
Bof. Je l'ai lu en anglais pour essayer de m'exercer, et parce que j'avais déjà vu l'adaptation cinématographique (étrange mais pas dénuée d'intérêt). La BD m'a lassée à cause de sa grossièreté (et encore, je ne comprenais pas tout), son humour qui ne m'amusait pas... Il y a certes quelques passages où j'arrivais à éprouver de l'empathie pour les personnages (soyez comme moi, ayez un coeur de sucre), mais vraiment, j'ai peiné pour terminer. Ah, vous voulez savoir de quoi ça parle ? Dans ce cas, rendez-vous chez Levraoueg; elle a écrit un vrai billet, elle.
Je pense avoir lu suffisamment de bandes dessinées pour l'année, maintenant, je retourne vers les romans
(et comme ça, je tais mon abandon de Persepolis. Non mais ce n'était pas le moment; j'y reviendrai plus tard, sans doute).