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N.u.l.l.e.
4 mai 2009

De bibliotheca

(épisode 1 ?)

fillette_livre

Aujourd'hui, mon abonnement à la bibliothèque expire, et je ne le renouvellerai pas. Vous me rétorquerez qu'il n'y a pas de quoi en faire un billet... alors que s'il y a bien un endroit où on peut raconter tout et n'importe quoi (surtout n'importe quoi), c'est bien Internet. Dont acte.
Petite, j'étais inscrite à la bibliothèque municipale de ma petite ville; j'adorais cet endroit, où le secteur jeunesse était mis en valeur avec des couleurs, des gros poufs, des coussins où on s'asseyait pour lire tranquillement le dernier Tom-Tom et Nana. A force, les bibliothécaires me connaissaient; m'autorisaient à dépasser la limite habituelle d'emprunt (il faut gâter les enfants qui aiment lire).
Je ne sais plus ce qui m'a poussé à ne plus y aller, un jour. Qu'importe. J'ai fréquenté d'autres bibliothèques, dans d'autres lieux. Celle de C*** m'impressionnait par ces portiques antivol (la première fois que je devais en voir dans un tel lieu, sans doute). J'ai emprunté L'amant de Marguerite Duras à la bibliothèque de M***. Je ne m'en suis jamais remise. 
Puis l'année dernière, je me suis dit qu'une demoiselle qui voulait travailler dans le milieu ferait quand même bien de s'inscrire à la bibliothèque de sa ville. Ca pourrait être pas mal, comme premier pas.
La médiathèque de la Ville Rose (on sait tous dans quel coin j'habite, je n'ai pas besoin de vous le réécrire clairement) est une énorme machine. Pour expliquer un petit peu (et je ne parle que de la médiathèque, pas des bibliothèques de quartier), ils ont décidé de séparer les prêts et les retours d'ouvrages. Sans doute pour des questions de gestion, de pratique, d'efficacité. Ce qui était étonnant dans le concept, c'est que les endroits où on enregistrait les prêts avaient été clairement conçus sur le modèle des caisses de supermarché. Le gentil bibliothécaire (oui ! il y a des hommes là-bas ! pas autant que des femmes, mais ils sont là malgré tout !) est assis derrière son petit écran d'ordinateur et son bip, il passe l'article, pardon, le livre (ou le disque, ou le film, ou la revue, ou...), cela s'enregistre et, devinez ce qui sort de tout ça ? Un ticket de caisse. Où sont répertoriés tous les documents qu'on a empruntés (ce jour-là et les jours précédents s'il y a lieu; c'est un vrai récapitulatif de tout ce qui est enregistré sur notre carte d'emprunt). C'est sûr, c'est efficace; pas besoin de tamponner chaque livre ou de dire à haute voix les dates de retour, tout est marqué sur le ticket.
Je n'aimais pas trop passer à la caisse à chaque fois que j'allais là-bas. Mais dire bonjour au bibliothécaire présent, l'entendre me conseiller tel bouquin en relation avec celui que j'ai en main, ça, j'aimais bien.
En janvier, cela a changé. Ils sont passés à la RFID. Alors, brièvement (et grossièrement) : la Radio Frequency IDentification est un système électronique vachement pratique pour la gestion des fonds d'une bibliothèque, notamment au moment de l'inventaire (avant, et je parle d'il y a quinze, vingt, trente ans, il fallait sortir chaque livre des rayons, vérifier son numéro de référence, cocher sur notre petit cahier afin de confirmer sa présence dans la bibliothèque, et passer au suivant - il fallait bien voir ce qui avait été mal rangé, volé... Maintenant, avec la RFID, tu passes ta machine devant le rayon, elle lit tous les livres présents sans que tu les sortes, et tu gagnes un temps fou). Le lecteur se fiche un peu de tout ça, la nouveauté pour lui, avec la RFID, ce sont les automates. C'est-à-dire que le lecteur est une grande personne (si, si), alors il prend ses petits livres et les enregistre lui-même sur sa carte, et les rend de la même manière, face à un écran d'ordinateur et un rayon laser. Drôlement astucieux, n'est-ce pas ?
A la médiathèque dont je parle, ils n'ont installé des automates que pour le prêt (ceci dit, avant la RFID, il y avait déjà des automates, mais, aux heures où je fréquentais les lieux, je n'ai jamais vu personne s'en servir). Pour le retour des livres, ils ont laissé des vraies personnes : c'est qu'il faut vérifier l'état des documents, quand même...
Un conservateur de cette bibliothèque a expliqué que le système de prêt avait été mal conçu à l'origine (je ne lui fais pas dire), et que le genre "caisse de supermarché" avait des répercussions physiques sur les employés. Soit. Il suffisait de mettre les mêmes bureaux qu'à l'endroit des retours, où, curieusement, l'agencement était différent (et donc beaucoup plus agréable et malléable). Mais ce même conservateur a jugé que le contact humain, au moment du prêt des documents, était inutile. Que ça ne valait rien.
Entendre une bêtise pareille ne m'a pas fait plaisir. Pour travailler en bibliothèque, je peux vous dire que les usagers discutent plus facilement quand ils viennent emprunter des bouquins, que quand ils les rendent (là, ils sont pressés, ils laissent tout et filent. Ok, bonne journée à vous aussi, hein !). C'est aussi l'occasion de poser des questions, de demander un conseil, d'avouer qu'on n'a pas trouvé tel livre, vous savez quand est-ce qu'il est censé revenir en rayon ?
Ce système d'automates, en plus d'être froid et inhospitalier, va clairement supprimer des postes à la longue. Certes, l'investissement initial (équiper tous les ouvrages d'un système électronique, acheter le matériel adéquat, etc) est colossal quand on opte pour la RFID, mais cela doit rapidement devenir rentable pour la bibliothèque. Ça fait moins de personnel à recruter, à former, à payer. Chic.
Personnellement, en tant que lectrice, ce n'est pas ce que j'attends d'une bibliothèque; pourtant, Dieu sait comme je suis misanthrope et timide, mais je préfère mille fois tendre mes livres à une personne réelle qu'à une machine qui ne me sourit pas une seule fois.
Ensuite, en tant que futur personnel titulaire de bibliothèque (tout le monde a le droit de rêver, oh ! Ce n'est pas parce que j'ai tout raté cette année que ça n'ira pas mieux l'année prochaine, non mais), je me dis que ce genre d'outil (la RFID, donc) n'est qu'un pas supplémentaire vers la chute des bibliothèques (vous savez, de moins en moins de personnel alors qu'on veut augmenter les horaires d'ouverture, recrutement de contractuels et de vacataires au lieu d'ouvrir plus de postes aux concours, manque d'investissement de la part des communes (ou des universités), etc...). Et parfois, ça me fait un peu peur.

C'est une des raisons qui font que je ne me réinscrirai pas (du moins, pas tout de suite - on peut parier que dans quelques mois, j'y retournerai la bouche en cœur), l'autre étant que, sapristi, je passe déjà ma semaine en bibliothèque (universitaire), alors si c'est pour me farcir la municipale pendant mes heures de repos, ah non merci... Je sature, là. Des livres, des rayonnages, des code-barres et du filmolux, j'en vois assez du lundi au vendredi (rarement le samedi, oui, mais c'est parce que je suis une sale privilégiée).
Je voulais aussi parler du catalogue informatisé de la bibliothèque municipale, mais je crains de pousser mes rares lecteurs au suicide, alors je garde ça pour un prochain billet.

Papillon a évoqué la RFID dans un billet ô combien intéressant, qui a généré d'ailleurs des commentaires passionnants - d'une manière générale, les lectrices de bibliothèque semblent s'offusquer de ce système informatique, et quelque part, ça me rassure.
Je ne suis pas sûre que mon déballage apporte la moindre goutte d'eau au moulin, d'autant plus que ça ne donne pas tellement envie d'aller à la bibliothèque, pas vrai ? Alors que c'est bien, pourtant. Je vous le prouverai une autre fois.

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Commentaires
E
Levraoueg, ton commentaire me fait comprendre que là où tu es, tu ne fais pas de prêt... et visiblement, ça te soulage ! Le samedi est effectivement une grosse journée où aucun vrai contact ne semble possible, même dans les rayons (les bibliothécaires sont trop sollicités pour prendre du temps avec chaque personne en demande).<br /> J'aime assez ta remarque sur les biblios qui ne devraient pas être considérées comme des "librairies gratuites", c'est très intéressant... et très vrai.<br /> L'épisode 2 ? Je n'y ai pas encore pensé, mais il viendra sans doute un jour. Mais merci, en tout cas !!
L
Quel débat ! Et j'avoue que je suis partagée. Pour avoir fait un stage en BM dans une autre vie, je sais que je détestais être au prêt. Il y avait du monde (je faisais mon stage de samedi en samedi, parce que je travaillais ailleurs le reste du temps), donc personne n'avait envie de discuter et on ne peut pas dire que ce soit une activité très épanouissante pour le personnel. Mais d'un autre côté, je n'aime pas beaucoup non plus les machines dont tu parles, si elles font disparaître toute présence et tout contact humains. De toute façon, je crois que si les bibliothèques ne se décident pas à être autre chose que des librairies gratuites, elles sont fichues ! Mais personnellement j'en fréquente quand même beaucoup et j'attends ton épisode 2 avec impatience... (sinon le commentaire de Yueyin me fait rire, car comme elle j'ai tendance à renseigner tout le monde partout, à croire que le service public est une vraie vocation !)
E
* Praline, merci d'apporter ton témoignage de lectrice ! Je reconnais que les bibliothécaires ont souvent l'air de s'ennuyer, quand ils enregistrent les prêts... là où je travaille, c'est parfois perçu comme une corvée (ce qui m'étonne toujours : perso, je me sens plus inutile quand je suis dans mon petit bureau, à essayer de coller correctement un antivol). Le problème de l'épanouissement, c'est qu'il faut pouvoir proposer autre chose... et il faut que la personne accepte (encore une fois, là où je bosse, la plupart refuse de faire de l'accueil, ou du renseignement pur)<br /> <br /> * Freude, je suis assez d'accord avec toi. En apparence, ces "automates" apportent un confort aux usagers/clients, mais ça cache quelque chose derrière (on peut se passer de l'humain). Pour Tisséo, tu as entièrement raison... Quand je prenais le métro au capitole, j'achetais *toujours* mon ticket dans l'espace vente, où il y a des vrais gens. Parfois, en plus, il y avait moins de monde qu'aux bornes d'achat... <br /> <br /> * Mo, ça ne m'étonne pas, je crois que l'Allemagne (avec les pays anglo-saxons, la Belgique, et les pays nordiques) est justement un modèle au niveau de ces bibliothèques, il faudrait qu'on en prenne de la graine !<br /> <br /> * Kali, ta précision me rassure presque, parce que je me souvenais que tu voulais être dans l'enseignement... alors prof-documentaliste, ça correspond bien ! :-) C'est encore un métier différent, mais qui doit être fort intéressant aussi - il y a un sacré public à former, et à qui donner le goût des livres...<br /> <br /> * Chiffonnette, tu m'étonnes que c'est grave la classe ! (et dans le même numéro, paf, un article d'une de mes anciennes "formatrices", ah, trop bien, je connais du beau mooonde ! ;-) )<br /> Sinon, je manque d'argument, mais je trouve ton avis franchement encourageant - certes, tout n'est pas rose avec la RFID, mais toi qui es dans le "milieu", si tu penses que ça peut vraiment apporter quelque chose de productif et de positif, j'ai envie de te croire :-)<br /> <br /> * Fantômette, j'adore ta bibliothèque associative, c'est un projet génial. C'est normal que dans un tel lieu, il y ait de réels échanges humains, parce que les lecteurs doivent se rendre compte que c'est vraiment un service *pour* eux, et si les personnes qui tiennent la bibliothèque sont en plus accueillantes ("l'heure du conte", c'est génial !), franchement, c'est un petit paradis. Hélas impossible à reproduire dans une grande ville, je crois.<br /> <br /> * Yue, tu as raison de préciser que dans notre grande médiathèque, le personnel reste quand même assez disponible pour les lecteurs, et c'est terriblement agréable. En fait, mon billet est un peu bête parce que je juge sans connaître les coulisses de l'endroit, mais le conservateur que j'ai rencontré a tellement insisté sur le côté "usine" du lieu que je l'ai pris au mot. <br /> Je ne sais pas si la RFID est une menace pour les petites bibliothèques, honnêtement, je ne crois pas. Les petites bib continueront à acheter des livres et à les prêter, sauf que ça se fera plus "old school", mais je crois que leur présence sera toujours légitime et nécessaire. <br /> <br /> Je vous ai très mal répondu, à tous, et j'en suis désolée, mais vous êtes si mignons que vous me pardonnerez.<br /> Hein oui ?
Y
Hihi c'est vrai que ça a été spectaculaire ce changement et un peu effrayant(j'ai moi même fait office de formatrice honoraire à titre gracieux pour plusieurs lecteurs un tant soit peu paumés mais bon - je fais ça aussi dans les gares et les aéroports, ça doit être mon karma :-)))<br /> Bizarrement après quelques temps, je trouve que la mediathèque n'en souffre pas (en tant que lectrice lambda mais néanmoins assidue), je suis toujours impressionnée du nombre de personnes disponibles pour nous renseigner (il y en a deux à demeure dans chaque rayon, je précise pour ceux qui ne hanterai pas les lieux), plus ceux qu'on croise parfois dans les rayons (d'où viennent-ils ?) et toujours prêt à te renseigner (pauvre quiche qui ne trouve pas ce foutu bouquin), personne ne m'a jamais ennuyé avec mes retards chroniques, les personnes du retour se contentant en général de sourire devant mes plates excuses) ce qui est bien sympa. En fait j'ai beaucoup plus de contacts (et de contacts sympathiques) avec le personnel de cette immense médiathèque qu'avec ceux des deux bibliothèques de petites villes que je fréquentais avant, eux n'avaient jamais le temps (cause de la queue) et n'étaient jamais disponibles là où ils étaient censés être (l'accueil c'est bien connu c'est pas du boulot mais je m'égare)... Peut être que ce système au nom barbare mettra en danger ces petites bibliothèques par contre... Car mine de rien elle souffre de la comparaison tant en terme de documents disponibles (je crois que j'ai lu pratiquement toute la bibliothèque de mon quartier)que d'accueil, c'est dommage car pour les (petits) enfants les bibliothèques de quartier sont irremplaçables. J'en ai lu des histoires à mes loups assise sur un pouf, c'était trop mignon de voir tous les petits se rassembler spontanément mais discretos pour entendre :-)
F
Bon j'avoue que j'ai un peu la flemme de lire les 27 (quel succès, dis donc ! ) commentaires qui précèdent le mien, et de manière Ô combien pertinente. Moi je voulais juste faire comme les auditeurs qui ajoutent leur témoignage sur France Inter( radio qui soit dit en passant file un bien mauvais coton tout de fatuité tissé). Bref, tout ça pour dire que je suis bénévole dans une minuscule bibliothèque associative qui n'est ouverte que deux fois deux heures par semaine. L'ordi trône pour rien, nous n'avons pas les moyens d'acheter un logiciel de gestion des livres. Les livres sont empruntés pour... pfffuuu... le temps qu'on veut, on ne va pas faire la guerre aux lecteurs quand même ! Quand j'y suis (le samedi matin de temps en temps, parce que sinon je travaille aussi des fwa), je peux vous dire que personne ne passe sans que ça discutaille ferme. Et quand ya personne, je lis des livres aux enfants qui traînent par là pendant que les parents sont un peu occupés ailleurs. Oui, la bibli peut faire garderie des fwa aussi. Mais on n'a pas de logiciel de gestion des enfants non plus.<br /> J'adore cette bibli !
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