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N.u.l.l.e.
16 juin 2009

A la folie

« Une bretelle d'autoroute plus loin :
- Est-ce que Dieu est dans votre vie, là ?
Putain. Jésus. Et il fallait que ça tombe sur moi...
- Non. »

Il est des auteurs  qu'on catalogue un peu trop rapidement. Non, à mes yeux, Gavalda n'est pas dans la même catégorie que Levy - arrêtons de dire des conneries !
Il est des auteurs qu'on retrouve toujours - toujours ! - avec le même plaisir, la même petite émotion qui papillonne au fond de la gorge. Je me souviens tellement bien de la sortie de Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, de la couverture que je croisais à chaque fois que j'allais au supermarché. J'avais quinze ans, pas d'argent de poche, ce livre m'attirait, quand j'ai enfin pu le lire, je m'étais faite une nouvelle amie.
Puis Je l'aimais m'a fait pleurer, ou presque.
Puis il y a eu L'échappée belle, une nouvelle qui parle de mariage, de chapeau, de château, aussi.
Puis Ensemble, c'est tout, qui a continué à faire du bien à la lectrice que je suis, parce que cette romancière a un talent fou pour créer des personnages attachants. Réellement attachants.

la_consolantePuis il y a La Consolante, qui en a déprimé plus d'un, à cause du style, à cause de la "posture" de l'auteur (refus d'interviews télévisées, envie d'écrire plus que de justifier l'acte d'écrire, etc), à cause de ces phrases toutes tordues, alambiquées, cassées.
Un peu comme Charles, en somme.
Charles, on le sait d'emblée, il n'est pas heureux. Il y a des gens, comme cela, qui s'obstinent dans un chemin de vie qui ne leur correspond pas, parce que sortir des sentiers battus fait tellement peur...
Charles, il a quoi ? 40, 45 ans ? Il est architecte, il court sur des chantiers en Russie, ça ne l'amuse plus tellement; il est en couple avec une femme mais ça ne rime plus à rien, l'échange entre eux est mort. Elle, elle a une jeune adolescente, Mathilde, à fleur de peau, qui l'est encore plus parce qu'elle voit son entourage s'effriter alors qu'à l'adolescence, on a besoin de murs bien solides pour se rattraper quand on se casse la gueule.
Charles s'ennuie, Charles ne va pas très bien. La seule personne à l'écouter, à le faire rire, à l'émouvoir, c'est Claire, sa "petite sœur", elle aussi bien paumée d'ailleurs...

« Une fois dans sa voiture, ralluma son portable, aucun message bien sûr, se mit en veilleuses, jeta un coup d'œil au rétroviseur pour déboîter et vit que sa lèvre inférieure avait doublé de volume. Et qu'elle saignait.
Pauvre idiote, se malmena-t-elle en continuant de mordiller là où c'était si bon d'avoir mal. Pauvre petite robe noire. Capable de contenir des millions de mètres cubes d'eau en t'adossant à un barrage monstrueux, mais infoutue d'endiguer trois larmes et bientôt emportée, noyée, sous un chagrin ridicule. »

Puis Charles tombe de haut, parce qu'il reçoit une lettre, une toute petite lettre. Qui parle d'Anouk...
Anouk, la mère de son grand ami d'enfance (Alexis). Anouk, qui impressionnait Charles par son humour et sa rage de vivre, par son désespoir aussi. Anouk qui était infirmière mais qui aurait bien eu besoin qu'on la soigne aussi... besoin que quelqu'un prenne soin d'elle, un peu... Anouk, l'amour de sa vie, est morte; et même s'il n'avait plus de nouvelles depuis 20 ans, cela suffit à le faire sombrer.
A lui faire faire n'importe quoi.
A se souvenir de cette enfance bordée par Nounou (ah, Nounou...), des gâteaux qui parlent, de cette femme qui lui avait dit, tu dessines si bien, il faudra que tu sois architecte...
A déraper au quotidien, à détruire le semblant de couple qu'il formait avec cette femme qui ne lui ressemblait pas.
A partir à la recherche de cette vie ratée, ou plutôt, de cette vie oubliée.
Oui.
Une lettre, une toute petite lettre, cela suffit à changer la vie de Charles Balanda.

« Son avion pour le Canada était à dix-neuf heures et elle se trouvait à quelques kilomètres de l'aéroport. Quitta l'agence à l'heure du déjeuner.
« Le cœur en bandoulière », voilà une jolie expression.
Partit le cœur en bandoulière, donc.
A jeun, ému, nerveux comme pour un premier rendez-vous.
Ridicule.
Et inexact.
Il n'allait pas au bal mais dans un cimetière et c'était plutôt en écharpe qu'il était, ce petit muscle estropié. »

Il n'y a rien d'autre à dire. En fait, si. Il y a les Vesperies, cette vieille ferme délabrée qui ressemble au paradis (mais en plus joli, en plus merveilleux, en plus incroyable), il y a Kate, la belle Américaine dont la vie a aussi été bouleversée par des deuils infaisables, par un trop-plein d'amour et de solitude qui saccage les humains.

Il y en a, des choses à dire, à vivre, à lire. Oui. La Consolante n'épargne pas son lecteur, je veux dire : n'épargne aucun lecteur. Certains ont jeté l'éponge (Amanda); d'autres ont tenu bon mais le plaisir était loin d'être omniprésent (Gambadou, Laurence). Puis il y a ceux qui ont aimé, sans aucune réserve (Cathulu, Bellesahi, Anne).
La Consolante est un roman qui a paru déroutant à plus d'un lecteur, mais aucune des difficultés généralement répertoriées (le manque de pronoms, les points de suspension, etc) n'est venue jusqu'à moi. Vous entendrez aussi parler du cap des 250 premières pages, je le comprends mal, le style reste le même du début à la fin, et je me suis installée dès les premières lignes dans la vie de Charles Balanda; mais ça, je comprends en revanche que ça ne soit pas le cas de tout le monde.

Je n'ai pas envie de vous parler de cette lecture, voilà, c'est dit, je n'ai pas envie de vous expliquer le pourquoi du comment, pourquoi ça continue à me faire mal au cœur en écrivant ces pauvres lignes alors que j'ai lu ce roman il y a un mois (mais la musique que j'écoute est tellement triste aussi, voilà, accusons la musique), je n'ai pas envie de disséquer mes émotions devant vous, il y a des choses qui se partagent, d'autres moins.
Mais je vais quand même vous dire que La Consolante est un roman d'une tristesse inouïe, que j'ai dévoré en un week-end parce que je ne voulais plus quitter ce Charles tant que je n'étais pas certaine qu'il atterrirait entre de bonnes mains, je pourrais vous dire qu'Anna Gavalda m'a noué la gorge comme jamais auparavant, que c'est un livre de mort, de deuil, de chagrins inconsolables, de vies douloureuses. C'est un livre de vie. Mais parfois, ça fait tellement, tellement mal de vivre...

« Que je passais le plus clair de ma vie à soulager les gens mais que personne ne s'était jamais occupé de moi. Que j'étais fatiguée, que j'avais du mal à dormir, que je vivais seule et que je buvais quelquefois, le soir, pour pouvoir m'endormir parce que ça m'angoissait terriblement de savoir qu'un enfant dont la vie dépendait de la mienne dormait dans la pièce d'à côté... »

Dieu que c'est impudique de raconter ses lectures sur un blog...

L'histoire est tellement banale; des gens écorchés, il y en a partout et on continue à vivre tranquillement sans se soucier d'eux. De toute façon, on a nos propres blessures à soigner. Pansement par-ci, baume par-là.
Que des leurres.
L'histoire est tellement banale a priori. L'une des grandes forces d'Anna, de ses livres, c'est cette rage de vivre, cette (comment on avait formulé ça, déjà) énergie du désespoir, non, attendez, c'est l'énergie du vaincu.
Voilà. C'est l'espérance dans la déchirure, comme dirait mon ami Henry Bauchau.
Il y a une telle force vitale dans les romans d'Anna Gavalda qu'on est emporté dans le tourbillon, qu'on est obligé d'avancer avec les personnages, et ça fait du bien. On a mal mais on rit encore.

Je ne vous parlerai pas objectivement de ce roman, de sa forme, des procédés stylistiques de l'auteur, on s'en fout - je m'en fous.
Avant, j'aimais bien Anna Gavalda, c'est vrai, je l'ai toujours bien aimée. Mais là, elle a dépassé toutes mes espérances; dans ma vie de lectrice, La Consolante est un grand roman.

«  - Ce qui est incroyable, lança-t-il, c'est qu'avec vous, tout est histoires et que toutes les histoires sont belles...
- Mais tout est histoires, Charles... Absolument tout, et pour tout le monde... Seulement, on ne trouve jamais personne pour les écouter. »

(Cuné, Cuné, où a disparu ton billet ?)

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Commentaires
E
Tiphanie, bienvenue par ici ! Je suis ravie que nous ayons eu la même lecture de ce roman, auquel il m'arrive encore de penser avec plaisir... Peut-être que le prochain sera aussi bon ! (sinon mieux)
T
J'ai beaucoup aimé La Consolante, plus encore qu'Ensemble c'est tout que j'avais déjà dévoré ... et d'être tombée ce soir sur ton billet m'a un peu émue même si je l'ai lu il y'a deux mois déjà. Merci de m'avoir remis tout ça en mémoire.
E
* Aifelle, je partage ton optimisme littéraire ! Mais parfois, l'acharnement réserve malgré tout de bonnes surprises...<br /> <br /> * Hambre, tu as plusieurs PAL ? Petite gourmande, va ! J'espère qu'il te plaira, sincèrement.
H
Je dois le lire pendant les grandes vacances, il est là, dans une de mes PAL !!!
A
Oui oui, je l'ai lu jusqu'au bout, je n'aime pas abandonner et j'espère toujours que çà va s'arranger.
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