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N.u.l.l.e.
27 juin 2009

« De quoi qu'il s'agisse, je suis contre. »

Aujourd'hui, c'est affreux, on m'a obligée à prendre part à un grand pique-nique.
J'ai été la seule à voter contre.
(c'est très agréable de me fréquenter, comme vous pouvez le constater)

badges_88x31_liredelire La majorité a gagné, comme on pouvait s'en douter. C'est ainsi que le club Lire et délire se réunit en cette douce fin de juin pour discuter (un petit peu) de lectures, dont le thème est : livre dans lequel on retrouve une personne ayant réellement existé. Cela peut se détailler en romans purs, en romans historiques, en biographies et en autobiographies.
Ouh que ça donne envie - dois-je préciser que c'est moi qui ai imposé ça à tout le monde ?
...
Non mais c'est un thème très merveilleux, en réalité, et très large.
Personnellement, j'ai opté pour :

Mémoires capitales
de Groucho Marx (1959, Groucho and me)
traduction de Jacques le Gal et Pierre Michaut

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51QH270NNTL._SL500_AA240_.jpg

Certains savent, depuis longtemps, qu'en cas de baisse de moral, regarder un film des Marx Brothers est un remède extrêmement efficace. Leur humour burlesque, qui a explosé sur les écrans américains dans les années 30-40 est resté légendaire. On pourrait jouer à Quel est votre Marx Brother préféré ?, mais rappelez-vous, j'ai un billet à écrire.

« Bien que ce soit de notoriété publique, j'estime que l'heure est venue de proclamer qu'à ma naissance j'étais très jeune. Avant d'avoir eu le temps de le regretter, j'avais déjà quatre ans et demi. »

Voilà qui donne le ton; si le lecteur s'attend à trouver une autobiographie sérieuse, où l'acteur s'épancherait sur des faits importants de sa vie (et de sa carrière), il a de quoi être déçu. Au contraire, si l'on n'attend rien d'autre qu'un bon moment passé en compagnie d'un humour généralement désopilant, on devrait être satisfait.
Il y a une réelle pudeur chez Groucho Marx, qui n'a aucune envie de s'exprimer sur sa vie privée (par exemple), ni de raconter ses souvenirs de manière chronologique et studieuse. Le but est en réalité de raconter quelques souvenirs.
Des souvenirs d'enfance, des souvenirs de début de carrière, des souvenirs de réussite, de fiasco aussi - tout cela avec un entrain particulier qui fait qu'on ne peut pas résister un seul instant à Groucho.
Ce n'est pas le genre d'homme à s'apitoyer, bien qu'il n'ait pas ri tous les jours pendant son enfance (la famille était assez pauvre); et d'un autre côté, il dresse des portraits tellement drôles et attachants de ses proches qu'on se dit qu'ils avaient une sacrée arme contre la morosité : le rire.
GrouchoMarxEn fait, on a l'impression que Groucho ne s'attache à relater que de petits détails, des petites scènes a priori sans grande importance, mais on y pioche au contraire des vérités qui en disent beaucoup sur le caractère de leur auteur. C'est un optimiste, un comédien passionné par son métier, un anxieux, un homme cultivé... et j'en oublie. Très modeste, aussi; il ne fait aucunement étalage de ses réussites, de ses succès, de son bonheur conjugal (quand le bonheur est au rendez-vous) (quelle expression ringarde !), de son bonheur familial. Pas le genre à se croire meilleur que les autres, à croire que le succès lui est acquis. En cela, son autobiographie est un délice; ce n'est pas non plus un énième récit de star, du genre qui écrit avec ses pieds (enfin, avec les pieds d'un nègre, parce que ce sont rarement les leurs) et qui raconte ses fabuleuses rencontres avec d'extraordinaires célébrités.
D'abord, Groucho Marx aime écrire, et cela se voit. Dans la préface, il prétend qu'il s'est lancé dans l'autobiographie parce qu'un éditeur lui aurait promis une boîte de cigares. Il avoue plus loin que ce n'est pas la seule raison (of course) et que, malgré tout le plaisir qu'il éprouve à jouer sur scène, rien ne dépasse pour lui le bonheur d'être publié. C'est du scoop ou je ne m'y connais pas.
Et puis, quand il parle des célébrités, c'est rarement à son avantage; il faut lire sa rencontre avec Greta Garbo, une scène totalement insolente et hilarante, qui n'a pas fait rire la principale intéressée (ah, ces actrices !). Il y a aussi un échange de lettres avec les frères Warner qui est à mourir de rire tellement c'est insensé : les Warner écrivent aux Marx, en expliquant qu'ils ne peuvent pas s'appeler les Marx Brothers, sous prétexte qu'eux signent déjà Warner Bros. Je peux vous dire que les réponses de Groucho sont gratinées...
Groucho profite de sa prise de parole pour aussi évoquer quelques points qui lui tiennent à cœur, comme le dénigrement du divertissement (alors qu'il est capital pour vivre), et l'épouvantable rôle de la presse écrite. A l'époque déjà, il suffisait que quelques journalistes descendent en flèche une pièce pour qu'elle soit retirée de l'affiche trois jours après, faute de public : « Une pièce est censément écrite pour le public, mais si les critiques la démolissent, le public en question n'a aucune chance de la voir. Qui donc, à l'origine, a décidé que c'était le rôle des critiques que « d'éduquer » le public ? »
Il est fatigant de voir le divertissement snobé de la sorte, sous prétexte que cela n'est pas assez intellectuel ni constructif.
Ainsi, ces Mémoires capitales sont un mélange délicieux d'histoires tordantes (ah, le week-end de pêche de Groucho... un cauchemar pour lui, un régal pour le lecteur), de propos sérieux fort intéressants, de petits détails qui rendent le personnage encore plus attachant qu'il ne l'était. Ça se lit un sourire au coin des lèvres, les yeux brillants, le cœur joyeux.

Des extraits, bande de chanceux :

« La plupart des gens du spectacle, quand ils se mettent à écrire leurs mémoires (et ils ne s'en privent pas), racontent invariablement en des termes élogieux une succession ininterrompue de triomphes. Les plus retors se laissent aller quelquefois à relater un ou deux fours, ruse finaude, car ils savent fort bien qu'il n'y a rien de plus décourageant pour un lecteur moyen – c'est-à-dire un raté – que de lire l'histoire d'un veinard qui, grâce à une succession de coups de chance et très peu de talent, a réussi à trouver la gloire, la fortune, et à collectionner les aventures amoureuses. »

« Je dois reconnaître que la mauvaise réputation attachée aux comédiens était en partie justifiée. La plupart d'entre nous étions un peu voleurs – nous volions de petites choses sans importance, comme des serviettes de toilette dans les hôtels, ou de petites couvertures. Certains acteurs dérobaient tout ce qu'ils pouvaient enfouir dans leur malle. On en surprit même un qui tentait de s'enfuir avec un nain qui appartenait à une autre troupe. Rien n'était à l'abri. »

« Bien qu'il nous ait recommandé d'être à huit heures à l'embarcadère, nous n'y arrivâmes qu'à onze heures. Il faut vous dire que ça ne faisait que trois mois que nous avions prévu le voyage, si bien que ce fut une surprise totale pour ma femme. Il lui fallut trois heures pour s'habiller, se coiffer, se faire les ongles (des mains et des pieds) et boucler ses bagages. Enfin, elle m'annonça qu'elle était prête. Je mis alors dans mon unique valise tout ce qu'elle n'avait pu fourrer dans ses deux malles et ses trois sacs, et avant d'avoir dit ouf, nous partîmes en silence pour Wilmington et le paradis. »

J'adore !

EDIT NOCTURNE : comme j'ai survécu au pique-nique, voici les billets des valeureuses copines :
Yue Yin a lu Jane Austen et le révérend de Stéphanie Barron;
Ofelia raconte l'après-midi pour essayer de faire oublier qu'elle n'avait rien lu (et elle a osé accuser son boyfriend, ce qui frôle le scandale, mais comme j'aime ce genre de triche, je pardonne).
Les autres, pour l'instant, n'ont rien écrit (certaines parce qu'elles n'ont pas lu, tout simplement, mais elles avaient de bonnes excuses aussi).
Choupy, toute de robe vêtue, a commencé une biographie sur Aliénor d'Aquitaine; Freude nous a parlé d'une biographie sur Zweig (l'une d'entre nous s'est approprié le livre avec une rapidité exemplaire, mais je ne dénoncerai personne); Anne-Laure a déclenché un sacré débat en nous parlant de Sultana (de J.P. Sasson si j'en crois Internet) et Isabelle (qui a arrêté son blog il y a un an, je dis ça, je dis rien) a évoqué Dany Laferrière et Le cri des oiseaux fous, ce qui m'a donné très envie de découvrir cet auteur.
Vous savez tout.
(j'ajoute malgré tout que j'ai de monstrueux coups de soleil, que les Toulousaines savent cuisiner, qu'on a ri et que niveau gourmandises, on se défend pas mal)

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Commentaires
E
Hambre, tu te joindrais à nous ? ce serait avec plaisir ! :-)
H
Original tout ça, comme dit Ankya, à quand le prochain?
E
* Ankya, rien d'officiel n'est jamais prévu pendant les deux mois d'été parce qu'il y en a toujours qui vadrouillent, mais tu as raison, ce serait bien quand même d'organiser un autre pique-nique !!<br /> (on y prend goût, à ces machins-là)<br /> <br /> * Mo, rien que l'idée me crève d'avance ! Il va falloir compter sur l'indulgence de mes si chers lecteurs !<br /> <br /> * Anjie, heureusement que ça se transforme ensuite en joli bronzage ! :-)
A
Euh moi aussi j'ai d'affreux coups de soleil sur les épaules et le dos.<br /> <br /> Bises et bonne semaine :):)
M
Ah, mais je parlais pour tes lecteurs! Une autre, une autre, une autre!!!
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