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N.u.l.l.e.
31 août 2009

Moi, querida, je te suivrais au bout du monde

Rêves de plaisir
un roman effronté de Mara Fox (2006; titre original : Letting go !)
traduit par Sylvie Patrick, ahah, la pauvre
Harlequin, collection Audace
Sexy. Impertinent. Osé

DSCN3043
La terre entière m'envie ce coussin

Emma est secrétaire dans un cabinet d'avocat; elle aime son métier et pourrait même prétendre au bonheur, si seulement Brad ne venait pas de la tromper honteusement à la vue de tous (règle numéro 1 : ne jamais flirter avec un collègue de bureau, ça finit toujours mal). Par contre, si votre meilleure amie travaille au même endroit que vous, elle vous aidera à vous remonter le moral pendant les pauses-repas : « Brad est un fieffé imbécile, tu le vois bien. Il n'a aucun sens de la hiérarchie, puisqu'il flirtait avec une hôtesse d'accueil. »
Cela ne suffit pas à consoler la pauvre Emma, qui est au fond du trou (je précise malgré tout qu'elle n'avait même pas encore couché avec ce Brad. Voilà. Elle doit avoir 25 ans, mais ses chagrins sont ceux d'une fille de 12 ans. La suite nous le prouvera une nouvelle fois, d'ailleurs).

Aux grands maux, les grands remèdes. Tina (la meilleure amie) embarque Emma dans une croisière pour célibataires. La première va essayer de faire découvrir à la seconde comme le sexe sans sentiments peut être un délice voluptueux dont on peut ensuite difficilement se passer.
Seulement, Emma est une jeune femme timorée, sérieuse, blonde et prude. Ou du moins, elle l'est jusqu'à ce que le paquebot fasse escale sur une petite île, où son regard croise fébrilement celui d'un bel inconnu... « Avec ses larges épaules, sa peau hâlée et ses cheveux noirs bouclés retombant sur le col de sa chemise blanche, il avait l'air d'un pirate des temps modernes. »
Lui, c'est Tony; il fait partie de la croisière (c'est en réalité sacrément tordu : il est amoureux d'Emma et l'a suivie à bord, pour espérer faire sa connaissance); mais, décidant de s'amuser, il l'accoste en se faisant passer pour un autochtone espagnol, et se fait appeler Andres. Que c'est rigolo. Mais étant donné qu'Emma n'est pas vraiment un Prix Nobel, elle tombe dans le panneau et est électrisée par cet inconnu, l'alcool et
le cadre idyllique.
« Le café était déjà loin. Ils étaient entièrement seuls sur la plage déserte, quand Andres s'arrêta et enfouit ses doigts dans sa chevelure.
- J'en avais tellement envie, murmura-t-il. Vos cheveux ont la couleur de la lune, et vos yeux, l'éclat du ciel à midi.
Elle se sentit fondre. Cet homme si viril était aussi un poète. »

Sauf que la poésie, ça va bien cinq minutes, mais après, il ne faut pas oublier les choses sérieuses. On est quand même dans un Harlequin Audace et le paquebot repart bientôt, donc page 38, alors qu'ils se connaissent depuis environ une demi-heure, ils s'en vont faire des choses très cochonnes sur la plage. En comparaison, les écrits du marquis de Sade pourraient passer pour des contes pour enfants.
(je plaisante, oh, ça va. N'allez pas acheter Justine pour votre petite de 7 ans, ça pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur son avenir. Et le vôtre).
Emma est tellement coquine qu'elle invite Andres à la rejoindre à bord, qu'il se cache, rah, qu'ils plongent tous deux dans l'interdit, c'est trop bon, oh, quelle virilité, où sont mes sels ?
En fait, Andres lui avoue qu'il fait partie de la croisière, comme ça, c'est plus pratique, et ils continuent à faire connaissance, un peu plus en profondeur, chaque heure qui passe. Oui, cette phrase a un côté lubrique, je m'en excuse, c'était involontaire. Seulement, il lui fait toujours croire qu'il est espagnol, parce que ça la rend folle. Allez comprendre.

Vous vous doutez bien qu'un tel bonheur ne peut perdurer sans incidents; déjà, Andres/Tony cache sa véritable identité, c'est mal. Mais Emma continue à être brisée par ce Brad indolent qui a saccagé sa vie et détruit la confiance qu'elle avait mis en lui, et ça la turlupine encore. Elle ne veut plus s'engager sentimentalement, cela cause trop de souffrances.
Alors, quand la croisière se termine, elle disparaît sans prendre les coordonnées d'Andres (et sans laisser les siennes, évidemment).

La lectrice, à ce stade, pourrait être frustrée, mais ne l'est pas; car elle a en sa possession des éléments qu'Emma ignore : Tony a effectivement signé un contrat avec le cabinet d'avocats où travaille Emma, car il est informaticien (ou un truc dans le genre, peu importe) et il doit leur installer des tas de logiciels mirobolants. Il sait donc qu'il reverra Emma, mais le temps des aveux approche : fini de jouer les espagnols au sang bouillonnant, il faut qu'il récupère sa véritable identité d'américain banal.
Emma, qui n'est pas gourde (...), éprouve quelques ressentiments à l'égard de cette trahison. Alors tout est compliqué, il est triste, et elle regarde son film préféré en tenue de jogging, et en mangeant des pop-corn. La vie, décidément, n'épargne personne.
Puis, pleine de désir (c'est que Tony est un amant excellent), elle propose à l'hidalgo de pacotille de continuer leur liaison et, tiens, pourquoi ne pas commencer de suite sur mon bureau en chêne massif ? Mais Tony est blessé, Tony est malheureux, car voilà : Tony est amoureux. Il voudrait plus que du sexe, lui, il veut des sentiments. Et Emma, elle veut pas, parce qu'elle souffre. Ça complique vraiment les choses, d'un côté on a un homme qui voudrait en apprendre plus sur sa bien-aimée, et de l'autre, on a une secrétaire qui ferme son cœur, parce que la vie l'a déjà tellement blessée, non, n'en jetez plus, sa coupe est pleine.
Alors ça dure, des fois ils parviennent quand même à coucher ensemble puis ensuite ils sont en froid, et la mission de Tony dans le cabinet s'achève, alors il rentre chez lui et ça en est fini.
Quand je dis fini, il faut traduire cela par : Emma se triture les méninges (...) pendant au moins quelques heures (la pauvre), puis elle rappelle Tony parce qu'elle se rend compte qu'elle est finalement amoureuse, mais le mâle orgueilleux ne peut céder aussi facilement et la fait poireauter une semaine, et le roman se termine sur une déclaration d'amour qui a dû faire pleurer les plus sensibles. Pas moi, en l'occurrence.

Étant donné que c'est quand même un titre de la collection Audace, je trouve qu'il serait dommage de ne pas se délecter un peu plus sur le potentiel sexuel de ce roman. Je suppose que l'auteur a voulu décrire les fantasmes féminins dans toute leur splendeur, et croyez-moi, c'est du lourd.
On commence évidemment avec la plage déserte au crépuscule, qu'on pouvait difficilement éviter. Il paraît que c'est le summum du romantisme; personnellement, je pense plutôt à cette saloperie de sable qui s'insinue partout, et aux tessons de bouteilles qui peuvent blesser en moins de temps qu'il n'en faut pour dire épectase (s'il vous plaît, n'allez SURTOUT PAS chercher ce mot dans google), mais soit, la plage reste un fantasme indémodable.
Ensuite, on a droit à quelques autres merveilles :
- le cocktail alcool-chocolat-chantilly qu'on étale sur la victime consentante, ce qui vire rapidement au gâchis (Tony n'est pas un rapide, il y a du chocolat qui coule partout, autant de calories dissipées, quel chagrin) et au désordre (bonjour les draps; eux s'en fichent, ils ne s'occupent pas de la lessive puisqu'ils sont sur le bateau, mais c'est déconsidérer le travail des pauvres employés qui passent derrière)
- le jacuzzi au clair de lune. Un must qui se passe de commentaire, non ? Si ce n'est que, sapristi, je plains ceux qui se sont vautrés dans le jacuzzi le lendemain matin.
- le fantasme du bureau. Avec tout ce que cela comporte d'excitant : la crainte d'être surpris au moment fatidique, d'être entendus par celui qui travaille dans le bureau d'à côté, la reprise du travail d'un air nonchalant alors qu'on vient de transpirer sauvagement sur la commode qui contient les dossiers litigieux. Tony est un homme on ne peut plus viril, mais c'est généralement Emma qui le pousse à commettre ses petites bêtises, car depuis qu'elle s'est lissée les cheveux (je vous jure que c'est vrai), c'est une autre femme, qui veut assumer et assouvir ses fantasmes. Aussi stupides soient-ils, comme :
- le fantasme du tatouage. En réalité, Emma a toujours rêver d'en avoir un, mais c'est tellement fou-fou, qu'elle n'a jamais osé. Maintenant qu'elle connaît Tony, elle est prête à sauter le pas, mais comme elle est coquine, elle y va par étapes, c'est-à-dire : le décalcomanie. Là, mes amis, on touche le fond. Emma arrive au travail, s'enferme dans un bureau avec Tony, retrousse sa jupe et lui demande de lui poser le tatouage sur la fesse. « Son regard la grisait. Elle avait la tête qui tournait et l'impression d'être entièrement nue sous son string. » (ma phrase préférée du roman)
Je ne sais pas vous, mais personnellement, quand on me dit "décalcomanie", je pense à une horrible rose sur le point d'éclore, à une panthère prête à bondir, ou à une petite fée (parce que c'est trop mignon, une fée). Autant dire qu'il y a plus excitant. Mais non, le coup du tatouage, ça marche furieusement sur Tony.
- la voiture, un soir de pleine lune. Tellement classique que je ne m'étends pas (pourvu que personne ne remarque le nouveau sous-entendu sexuel qui s'est glissé bien malgré moi dans cette phrase).

Maintenant, ce billet serait caduque si je ne parlais pas des blessures intimes de Tony et Emma. Car oui, figurez-vous qu'ils portent tous les deux des fardeaux existentielles qui les rendent vulnérables et émouvants. Ou pas.
Tony, lui, est phobique des lieux clos. On se demande alors ce qu'il est allé faire dans une croisière, sachant que les cabines ne sont pas terriblement spacieuses, mais l'homme est prêt à tout dès qu'il aime. En réalité, quand il était enfant et qu'il jouait avec son cousin dans un collecteur d'eaux usées (ne riez pas), il est tombé dans un recoin où il y avait un animal mort, de l'eau croupie et des débris qui lui tombaient dessus dès qu'il bougeait. Il a dû attendre 20 minutes avant qu'on ne le retrouve. « C'était l'une des raisons pour lesquelles il avait choisi de vivre à Denver, au pied des Rocheuses. Impossible d'être claustrophobe à la montagne, n'est-ce pas ? » C'est sûr que la montagne, qui bloque l'horizon, étouffe par sa hauteur et isole du reste du monde n'accentue absolument pas la claustrophobie. Soupir.
Le cas d'Emma est évidemment bien plus grave. Sa vie est détruite. Vous savez pourquoi ? Ses parents ont divorcé au bout de 25 ans de mariage. Cela s'est produit il y a plusieurs années, mais Emma ne s'en remet pas. « Quand j'ai demandé à mon père pourquoi il avait divorcé, il m'a répondu une chose terrible. [...] En fait, il m'a dit que la vie qu'il menait avec ma mère était ennuyeuse comme la pluie. Sous-entendu, maman et moi étions assommantes, nous aussi. Bref, nous formions une famille médiocre ! conclut-elle, luttant contre les larmes.
La blessure était toujours aussi vive. Comment pourrait-elle un jour pardonner cette humiliation à son père ? »
(mais oui, comment ?)
Depuis (alors que ça remonte quand même à une paire d'années, tout ça), Emma n'a plus confiance en la gente masculine; si son père a pu quitté sa mère, pourquoi ne serait-elle pas quittée à son tour ? C'est vraiment très dur. Très triste.
Heureusement, Tony l'aime de tout son cœur (« Je voulais te faire prisonnière, et finalement, c'est toi qui m'as enchaîné corps et âme. »). Ils vivront heureux et j'espère qu'ils feront l'amour dans un ascenseur, parce que ça, je veux pas dire, mais ça manque dans le roman.


harlequinadesAinsi s'achève finalement ma contribution aux Harlequinades. J'avais promis trois billets, c'est vrai, mais il n'y a vraiment rien à tirer de ma troisième lecture (collection Azur, La force d'une rencontre, l'intensité de la passion) (c'est là qu'on se rend compte que tout est relatif) alors je préfère ne pas m'enfoncer plus que cela dans le néant littéraire.
Mon été n'aurait pas été le même sans cette douce folie proposée par ma Chiffonnette préférée et ma 
Fashion adorée. Merci donc à ces aventurières de la lecture, grâce à qui les fous rires se sont multipliés ces dernières semaines. Et ne me dites pas que je suis cul-cul, non, je suis romantique et sensible. C'est différent.

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Commentaires
E
* Choupynette, tu n'as pas lu la bonne collection ! C'est pour ça que je voulais un Harlequin audace, pour être sûre d'avoir un minimum de galipettes, et une absence totale de stéthoscope ! ;-)<br /> Est-ce que tu veux je te l'apporte, fin septembre ? Dis oui, dis oui, dis oui ! ;-))
C
ben t'as eu de la chance toi, tu as eu droit à une grosse cochonne (même si elle n'avait pas une imagination débordante).. moi que nenni rien du tout, je n'ai eu droit qu'à de vrefs et prudes euphémismes m'expliquant qu'ils allaient... hum hum , enfin tu vois quoi, faire euh...<br /> bref, quant au coup du string: je suis outrée, y'a vraiment des femmes NUES sous leurs strings!????? SO shoking!!
E
* Ankya, tu es sûre qu'acheter volontairement deux Harlequin supplémentaires, dans un but assumé de les lire, équivaut réellement à un rattrapage ? ;-)<br /> L'histoire que tu rapportes est bien glauque, il me tarde de te lire à ce sujet !!
A
Je me suis rattrappée à midi: je suis allée m'acheter deux livres collection Azur, des histoires de ouf ! Genre une femme qui, sur son lit de mort, demande à sa meilleure amie d'épouser son mari... alors qu'ils ne se connaissent pas. Une grande lecture en perspective !
E
* Restling, quoi, qu'est-ce qui te permet de porter un jugement aussi dur à l'encontre d'Emma ? La pauvre, elle est éternellement incomprise !<br /> Pour mon sous-entendu, je te JURE que c'est involontaire - je ne l'ai d'ailleurs remarqué qu'en relisant mon billet (d'où l'ajout de ma phrase qui finalement, enfonce bien le clou... ;-) )<br /> Je crois que tous les billets Harlequinades sont faits pour rire au travail, on ne remerciera jamais assez Chiffonnette et Fashion !
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