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N.u.l.l.e.
2 septembre 2009

Je voudrais être n'importe qui, sauf moi

Frankie Addams
de Carson McCullers
(1946; titre original : The member of the wedding)
traduction de Marie-Madeleine Fayet, Livre de Poche, 1975
environ 282 pages

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41QNADGBCGL._SL500_AA240_.jpg
Ma couverture était encore plus moche que celle-ci.
C'est dire.

"... et elle ne serait pas jetée en prison. Elle en éprouva un certain regret. Il valait mieux une prison où l'on pût frapper les murs qu'une prison invisible."

Lorsqu'on a 12 ans et 10 mois, que l'on se questionne sur son physique (vais-je devenir aussi haute qu'une girafe ?), que l'on vit seule avec un père brillant par son absence, que l'on a, de fait, pour seule compagnie celle de la cuisinière noire (Bérénice) et celle de son cousin de 6 ans (John Henry. Il est trop chou), l'été peut paraître long.
Surtout quand on vit dans un État du sud des USA, et que les journées sont caniculaires.
Surtout quand on apprend que son grand frère va se marier, dans deux jours, et qu'on aimerait tellement partir vivre avec lui.
Mine de rien, vous venez de faire la connaissance de Frankie Addams.
On pourrait croire qu'elle est une jeune fille comme les autres; qui n'a jamais connu d'été languissant, où la torpeur déforme nos pensées au point de les rendre inquiétantes, menaçantes ? (je déteste l'été) (mais je crois que vous le saviez déjà). Seulement, Frankie a quelque chose de plus; quelque chose de différent, en tout cas. Elle se pose plus de questions qu'une autre fille de 12 ans et 10 mois.
Il se passe peu de choses, finalement, dans ce roman; c'est plus une question d'atmosphère que d'action. L'essentiel du livre, d'ailleurs, se passe sur deux jours, et même plus particulièrement sur celui qui précède le mariage. Pendant cette journée qui s'étire, s'étire, Frankie se questionne sur l'état du monde et sur les liens (factices) qui unissent les gens, sur la vacuité de la vie, sur son quotidien qui va changer dès le lendemain. Frankie n'a qu'une idée en tête, quitter la ville et partir vivre avec son frère; elle se projette tellement dans le mariage imminent qu'elle est convaincue que sa propre vie va en être bouleversée. Or, on s'en doute, ce ne sera guère le cas. Les jeunes adolescentes réalisent rarement leurs rêves d'évasion.
Déjà figure attachante en soi, Frankie (qui veut être rebaptisée F. Jasmine, ce qui est plus conforme à sa vision idéalisée de la féminité) est entourée de personnages tout aussi réussis, avec en tête la cuisinière et le cousin; Bérénice, une femme noire aux mariages innombrables, fait preuve à la fois de tendresse et de fatalisme ("Nous sommes tous, en quelque sorte, prisonniers. Nous naissons ici ou là et nous ne savons pas pourquoi. Mais nous sommes prisonniers."). John Henry, lui, est le petit garçon le plus mignon des États-Unis, ce qui, vous l'avouerez, est une description totalement objective et explicite. Mais je fais ce que je peux, en sachant que j'ai lu ce roman fin juillet et que les souvenirs que j'en garde ont fatalement pris une teinte nébuleuse entre temps (admirez néanmoins mon langage soigné, c'est tellement rare, savourons cet instant de communion planétaire).
Donc voilà.
J'ai perdu le fil que je n'avais jamais réellement tenu. Frankie Addams est sans aucun doute un roman sudiste, profond et mélancolique, auquel on peut malgré tout reprocher quelques longueurs. Pour ma part, je lui reproche bien plus que cela - ayant lu Le cœur est un chasseur solitaire (quel titre superbe !) il y a quelques années, et ayant particulièrement aimé, j'ai la sensation que Frankie Addams est un cran en-dessous. Le désarroi de la petite Frankie m'a moins touchée que celui des personnages du Cœur... Peut-être aussi que j'ai grandi et que je suis moins sensible à ce genre de désespérance humaine, mais ça, je ne crois pas.

"Et voici ce qui caractérise l'époque de la canicule : c'est la période de l'été où, en règle générale, rien ne peut se passer... mais s'il survient un changement, ce changement dure autant que la canicule. Les choses faites ne sont pas défaites et une erreur ne se répare pas."

Les billets convaincus de Sylvie, Sentinelle et du Livraire. Si j'en oublie, pleurez dans les commentaires !

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Commentaires
E
Anjelica, tiens, tant mieux ! Mon prochain risque d'être "L'horloge sans aiguille"... le titre est fort joli, d'ailleurs.
A
j'avais découvert cette auteure avec 'l'horloge sans aiguilles' et j'avais bien aimée.
E
Elle est parfaite, Rose :-)
L
Trop bien toutes ces explications de Rose ! Moi aussi, ça me donne très envie de le revoir !
E
* Fantômette, je veux bien croire que c'était un personnage en elle-même. Je me pencherai plus sérieusement sur elle, un de ces jours... quand même.<br /> <br /> * Rose, MERCI pour toutes ces précisions !! Je ne me souviens absolument pas du livreur de tabouret... Et la petite fille maladive, oh, ce qu'elle était mignonne, elle me brisait le cœur... Il faudra vraiment que je le revois !
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