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N.u.l.l.e.
23 septembre 2009

Remember me

Si le billet te plaît, il est pour toi.

deskTop1_1024 How happy is the blameless vestal's lot !
The world forgetting, by the world forgot.
Eternal sunshine of the spotless mind !
Each pray'r accepted, and each wish resign'd;
[
Alexander Pope, Eloïsa to Abelard]

Il y a des films qui ne se présentent pas, qui ne peuvent pas se présenter. Et dans cette catégorie, inévitablement, on retrouve Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry. Cette petite merveille est sortie au cinéma en 2004.
Je me souviens être tombée amoureuse de Kate Winslet, et de son instabilité capillaire. Quelques jours plus tard, encore extasiée, je suis allée chez le coiffeur, demandant des mèches bleues (n'est pas Clémentine qui veut, je n'avais déjà plus le courage de me teindre intégralement les cheveux).
La coiffeuse m'a regardée bizarrement.
"Du bleu, sur vos cheveux, ce n'est pas possible."
La frustration a été immense; mais je ne me suis pas laissée emporter par une vague de désespoir, et ai regardé le choix qu'elle me proposait. Je suis ressortie de là avec des mèches oranges et rouges.
(et j'étais très belle)

...

Pour moi, tout commence avec cette scène terrible, où l'on découvre Jim Carrey totalement effondré derrière son volant :

cap001

Cette scène-là n'intervient pourtant qu'à la 17e minute, mais je me souviens encore de l'émotion qui m'a étreinte face à ce revirement de situation, face à ses larmes masculines d'une beauté désarmante.
Joel (Jim Carrey) a appris que sa dernière compagne, l'exubérante Clémentine (Kate Winslet), l'a effacé de sa mémoire. Au sens propre, voyez-vous, car il existe ce centre (Good morning, Lacuna, scande joyeusement la voix de Kirsten Dunst) où l'on peut effacer (matériellement) de son esprit une histoire d'amour qui nous torture trop. Joel et Clémentine étaient séparés; Clémentine ne voulait plus vivre avec ces souvenirs si douloureux. En une nuit, son cerveau a été nettoyé.
Je ne sais pas comment vous réagiriez si la personne que vous aimez (encore, malgré tout), vous avait effacé de sa mémoire. Je crois qu'il ne vaut mieux pas y réfléchir, d'ailleurs... Joel, lui, décide de subir le même traitement. Seulement, au fur et à mesure de cette entreprise vertigineuse, il regrette, et se rattache le plus possible à ses souvenirs.

Peut-être en ai-je déjà trop dit, donc je me tais. On pourrait croire, suite à cette présentation foireuse, que ce n'est qu'un film romantico-niais pour jeunes femmes parfumées à l'eau de rose. Or, c'est loin d'être le cas. Peut-être que certains d'entre vous ignorent qui est Michel Gondry (le réalisateur), mais je vous assure qu'il n'est pas du genre à faire de la soupe fadasse. Au contraire, c'est un homme légèrement halluciné, qui aime torturer l'image, le scénario, afin de créer (c'est réellement de la création totale, à ce stade) un univers particulier, personnel, étrange et curieusement douillet pour le spectateur qui adhère à cette douce folie.
Ici, la masse capillaire de Kate Winslet passe par toutes les couleurs - vert, bleu, rouge, blond, orange - mais ne vous y trompez pas, ce n'est pas, à ses yeux, une quête d'identité dérisoire : "Je ne suis pas un concept, Joel, juste une fille perdue qui cherche la paix intérieure. Je ne suis pas parfaite."
18381643Ces couleurs vont être un point d'ancrage dans le voyage temporel que propose ce film, car, évidemment, sa structure n'est aucunement linéaire (sinon, ce ne serait pas drôle). Nous projetant dans des souvenirs anciens, ou plus récents, notre (seul ?) fil conducteur devient cette couleur de cheveux, qui varie pour nous permettre de nous situer dans le temps... Histoire qu'on ne soit pas totalement à notre tour une personne perdue (qui chercherait la paix intérieure). Il faut pourtant s'attendre à être désarmé; c'est un pacte à passer avec le réalisateur, et les acteurs.
Faisons-leur confiance, remettons-nous entre leurs mains. Nous finirons bien par arriver quelque part... sur la plage de Montauk, peut-être ? ou sur un lac gelé, en pleine nuit ? ou peut-être même dans un souvenir d'enfance...
Joel devra courir pour ne pas perdre Clémentine. Mais, même ainsi...
Les grandes forces de ce film sont : la réalisation surprenante (désarmante; la plupart des effets spéciaux ont été créés lors du tournage, et non en post-production), le scénario d'une richesse inouïe, le jeu délicat des acteurs. Certains ont été étonnés de trouver un Jim Carrey inhibé, presque mal dans sa peau, un homme terne à la vie banale... ça ne m'a pas particulièrement étonnée; et son interprétation, à la fois sérieuse, retenue et sensible fait de ce film l'un de ses meilleurs rôles. Il est un quadragénaire parmi tant d'autres; un homme qui a un peu de mal à rire, avant de rencontrer Clémentine. Jouée par Kate Winslet, donc... une femme qui a du mal à mûrir, qui s'amuse à créer des bonshommes à partir de patates (terrifiant) et qui a besoin de dévorer chaque seconde qui passe, sans quoi elle aurait l'impression de rater sa vie. Clémentine rit, Clémentine aime les corbeaux et les couleurs (en atteste aussi son horrible manteau orange fluo...), puis Clémentine en a marre.
Pourquoi renoncer à effacer sa mémoire, alors que c'est possible...
Lacuna, le nom ô combien judicieux du cabinet médical, est un lieu étouffant quand on comprend ce que les gens viennent y subir. Accueilli par le sourire de Mary (Kirsten Dunst, si touchante), le patient rencontre ensuite le Dr Mierzwiak (Tom Wilkinson) qui prend en charge la récolte des souvenirs, afin de les situer sur un genre de plan mémoriel du cerveau... et de les supprimer. Un par un. Lacuna déborde de gens malheureux qui ne veulent plus souffrir. Mais l'amnésie est-elle réellement meilleure ? Les proches de l'amnésique reçoivent pour ordre de ne plus jamais mentionner l'ancienne relation amoureuse. De toute façon, ce serait incompréhensible : la personne effacée n'existe plus.

Eternal sunshine of the spotless mind est un film rare; à la fois cruellement triste et bourré d'optimisme. Les quelques ficelles secondaires que le réalisateur tire par moments (concernant essentiellement Mary) renforcent l'émotion d'ensemble. C'est un film qui nécessite au moins deux visionnages, pour les curieux qui souhaitent mieux comprendre l'agencement de l'intrigue...
Ceux qui ne le verront qu'une fois comprendront quand même. Ils verront qu'on se souvient parfois plus profondément qu'on ne le croit. Que l'on peut tout faire pour étouffer un sentiment, mais que ce dernier ne s'estompe pas facilement. Il y a des amours qui sont faits pour triompher; et quand c'est démontré aussi intelligemment, il suffit de fermer les yeux, et d'y croire.

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Commentaires
E
* Mariel, je suis d'accord, la traduction est une boucherie. Quant au reste, évidemment, nous avons le même avis aussi. C'est un film fort, qui peut nous donner à réfléchir sur nos propres amours perdues. C'est toujours mieux de s'en souvenir que de tout détruire en voulant oublier...
M
Un des films les plus marquants que j'ai vu. Des années après, je m'en souviens encore parfaitement. Sans doute parce que c'est un film à la fois universel et intemporel. Il touche l'âme humaine, l'Essentiel...<br /> Indescriptible aussi. Intraduisible (quelle horreur la traduction du titre!).
E
* Theoma, je comprends tes réticences, alors je te remercie d'autant plus d'avoir quand même lu mon billet... Je sais qu'on peut en parler mieux que moi, mais je crois que ça a attisé la curiosité de certaines, et c'est tout ce que je voulais... Moi aussi, j'adore Jim Carrey !
T
J'ai hésité à lire ton billet car ce film est une oeuvre importante pour moi. Bravo pour avoir su trouver les mots justes. C'est un film audacieux comme je les aime (sans oublier que je suis une grande fan de Jim Carrey).
E
* Fashion, vraiment, c'est comme tu veux ! (pour "Eternal", et pour "Cyrano") Je peux faire un envoi groupé, sinon, ça ne me dérange aucunement :-)<br /> <br /> * Caro[line], j'adore ta réponse, c'est bien, ne te laisse pas faire ! ;-))
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