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N.u.l.l.e.
6 novembre 2009

Qu'elle est courte hélas, cette vie dégueulasse

BIOLAY
"...Non, ne dis rien mon amour
Reviens juste au matin
T'immiscer et félin
Sous les draps chauds de mon corps
Qui cherchera ta main..."

Une fois n'est pas coutume, il sera question de musique aujourd'hui, d'un coup de foudre inattendu entre un artiste et mon cœur cristallisé (vous me direz que le coup de foudre est inattendu par essence, mais vous connaissez mon goût pour les pléonasmes. Et si vous ne le connaissiez pas, maintenant, c'est fait). Cette rencontre, je la dois à Mo, à un billet furtif où je m'engageais à écouter un certain album. Je pensais n'y poser rien de plus qu'une oreille distraite, et puis, cette voix langoureuse a su me piéger. J'ai écouté l'album un samedi. Puis je l'ai réécouté le lendemain. Le lundi, je me suis dit qu'il était temps d'aller m'offrir La Superbe de Benjamin Biolay.

SUPERBE

Ça y est, vous ricanez.
Benjamin Biolay, pour vous, c'est de la mauvaise chanson française, c'est ce gars qui écrit sérieusement des chansons qu'on ne peut raisonnablement pas écouter au premier degré (permettez-moi de vous offrir deux infimes extraits des Cerfs-volants : "A mesure que le temps passe, je mesure le temps qui passe" et "L'eau s'étend jusqu'à l'autre bout de l'étang" - ça me fait rire à chaque fois) ou pire, c'est juste le mari de cette actrice, là, mais si, tu sais, la fille à Machin, rah, son nom m'échappe ! Je ne peux pas vous jeter la pierre, j'ai longtemps pensé comme vous (sauf que personnellement, je sais me souvenir du nom de Chiara Mastroianni (et en plus, ils ne sont plus ensemble)). Je pensais, bêtement, que Benjamin Biolay n'était pas pour moi.
Puis, La Superbe.
Double album qui raconte les amours perdues, le manque physique, le romantisme des âmes esseulées, l'alcool qui tient compagnie même quand l'autre est parti. Ça parle d'évasions, de remords et de colère, de promenades et de fugitifs espoirs, de promesses impossibles à tenir.


"Nous sommes amants ou n'en sommes pas
Et face au vent on se soutiendra
Dans quarante ans, on s'en souviendra"

Il est indéniable que La Superbe est un album déprimant. Il s'écoute tranquillement, chez soi, quand on sait que la mélancolie peut être de bonne compagnie. J'ai testé pour vous l'écoute sur le lieu de travail, écouteurs plantés dans les oreilles, le résultat a été pitoyable : quand, quelques minutes plus tard, D. m'a demandé si je voulais un café, j'ai failli exploser en larmes - avouez que ça aurait été déplacé.
La Superbe pue le chagrin. Le chagrin d'un homme (et je ne dis pas que cet homme est Biolay) qui, dans la plupart des chansons, apparaît fragilisé par ses erreurs et la perte de son amour. Chaque texte semble demander pardon, certaines paroles ressemblent à des bouées lancées dans des moments de désespoir où il ne devait pas rester grand-chose à quoi se raccrocher.


"...Tout ça me tourmente,
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre,
Mais je ris dès que je peux..."

Comme une mise à nu, quand il ne reste plus rien à faire, plus rien à espérer, sinon que d'attendre de vraiment toucher le fond pour rebondir, enfin.
La voix de Benjamin Biolay se fait à la fois touchante, sexy, entraînante, vulnérable. Moi qui n'y connais rien (sérieusement), j'ai aperçu les fantômes de Gainsbourg (Jaloux de tout), de Bashung (Night shop), de Miossec (à chaque fois que démarre 15 septembre, j'ai l'impression que c'est le Breton qui va commencer à chanter); il y en a évidemment mille autres qui ont influencé ce travail d'artiste, mais c'est là justement qu'on voit mes propres limites...
Benjamin Biolay parle, chante, propose des rythmes presque joyeux et d'autres tristes à pleurer, Benjamin Biolay apparaît à la fois blessé et serein, permettant de souffler à l'écoute de certaines chansons, même si c'est pour finalement retomber plus bas à la suivante, certes.
Benjamin Biolay se moque aussi de la chanson française - et ça, je ne l'invente pas, je l'ai lu
dans une interview : Brandt Rhapsodie, description d'une relation amoureuse, de la première nuit sauvage à la séparation un peu amère, a cette forme géniale d'être écrite comme une succession de post-its déposés sur le frigo. En 4'44 minutes, Benjamin Biolay et Jeanne Cherhal disent tout, avec une telle sincérité que c'est l'une des premières chansons à m'avoir vraiment accrochée. Or, c'est une énorme moquerie à l'encontre de l'actuelle chanson française, une ironie musicale que je n'avais pas saisie - c'est dire à quel point mon écoute de l'album doit être foireuse. Peu importe; après tout, quand un artiste s'exprime, il prend le risque d'être mal compris et je ne me sens pas particulièrement conne de m'être trompée.

Je ne sais pas parler de musique, mais ce que je sais, c'est que cet album m'accompagne depuis maintenant deux semaines, me bousculant et me réconfortant en même temps, ce que je sais, c'est que j'ai fait la connaissance d'un artiste qui me touche beaucoup, qui ne fait pas de compromis entre l'amour et le sexe (il parle des deux, et c'est bien), qui parle de désespoir et de drogue, et ce qui résulte de tous ces sentiments, de toute cette souffrance, compose un album d'une beauté saisissante, précieuse, douloureuse.
Au moins, quand vous écoutez Benjamin Biolay, vous savez pourquoi vous avez mal.


"Je savais bien Bébé que c'était pas simple..."

Et l'album de (presque) s'ouvrir avec 15 août et de (presque) s'achever sur 15 septembre, deux chansons magnifiques où la voix de Jeanne Cherhal (la femme qui quitte) trouve une réponse dans celle de Benjamin Biolay (l'homme quitté), la boucle se referme doucement, même le simple souvenir d'une couleur les oppose désormais, mais heureusement, oui, On reste, Dieu merci, à la merci d'une simple partie de jambes en l'air, quelle aventure, quelle aventure...
La Superbe porte si bien son nom.

Pour finir en beauté, en émotion, l'une des plus belles déclarations de l'album, Ton héritage, chanson écrite pour sa fille - parce que cet amour-là, toujours, reste intact.


"...Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant,
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents..."

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Commentaires
E
* Theoma, on peut dire que son art ne te laisse pas indifférente, au moins ! Mais merci de me prévenir, moi qui n'écoute généralement de la musique que quand je suis déprimée (histoire de me mettre bien au fond du trou, parce que la musique me déprime toujours) (ou presque) (la "bonne" musique, disons), je ferai attention...<br /> <br /> * Camille, oui, je vois ! J'écouterai ça sagement, alors :-)
C
Ah non ct pas voyeur, ca faisait plutôt collaboration comme Gainsbourg et Bardot justement.
T
J'ai écouté tous ses albums. Le premier m'avait séduite, les autres presque poussée au suicide. Celui-ci, je suis bien d'accord, va droit au coeur.
E
* Camille, merci de venir enrichir le sujet ! Son avant-dernier album, c'est pas Trash yéyé ? <br /> Je ne savais même pas qu'il avait fait un album avec Chiara, mais pour le coup, ça ne m'intéresse pas trop, j'aurais la curieuse impression d'être "voyeur", on verra plus tard...
C
J'aime bien Biolay depuis son premier album, et pour moi, c'est le seul chanteur français qu'on peut vraiment qualifier d'héritier de Gainsbourg, dans le rythme des chansons et dans les paroles aussi. Celles que tu cites au début, dans Les cerf-volants, ça me fait penser à " Je sème des grains de pavot sur le pavé" dans l'anamour ou à "Je bois" qui contient aussi des jeux de mots et des phrases coupées un peu n'importe comment. <br /> <br /> Son album Home, en duo avec Chiara quand ils s'aimaient encore, est vraiment pas mal, quoique je préfère son avant dernier, dont le nom m'échappe à 23H23 un samedi soir
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