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N.u.l.l.e.
21 avril 2010

« L'espérance sourit à l'effort courageux »

Devant vos yeux ébahis, je vais vous parler d'un livre pour lequel mes souvenirs sont déjà nébuleux alors que ma lecture est toute récente. Je ne sais pas si ça nous renseigne sur la qualité du livre, ou sur celle de ma mémoire. Je vous laisse juges.

Le professeur
de Charlotte Brontë (1857; The Professor)
L'imaginaire Gallimard, 1949 pour la traduction d'Henriette Loreau
319 pages

http://image.evene.fr/img/livres/g/2070762696.jpg

« et je maintiens mon dire : un homme qui endure patiemment ce qui devrait être insupportable, n'est qu'un fossile et rien de plus. »

Si vous avez vraiment envie d'apprendre ce dont il s'agit ici, je veux bien tenter de vous éclairer un minimum. William Crimsworth est un banal jeune homme anglais qui, après avoir essuyé un échec en travaillant auprès de son frère, décide de quitter l'île britannique pour enseigner sa langue à Bruxelles. Il trouve une place dans un pensionnat de jeunes garçons; sa chambre a la particularité d'avoir une des fenêtres condamnées, parce qu'elle donne sur un pensionnat de jeunes filles. Or, vous savez comme moi qu'il est très inconvenant d'observer une demoiselle en se cachant derrière une fenêtre.
Pourtant, suite à un enchaînement d'événements dont je ne me souviens guère, il obtient aussi un poste pour enseigner l'anglais à ces Bruxelloises en folie (je n'exagère pas, il y en a trois qui sont belles et qui le savent, et qui tentent d'en profiter allégrement).
Intrigué par Mlle Reuter (qui tient ce pensionnat féminin) et par Mlle Henri, qui enseigne la couture mais qui a aussi la permission d'apprendre l'anglais aux côtés de Crimsworth, le jeune professeur va découvrir la perfidie et l'amour. En gros.

Bien que la publication de ce roman ait été envisagée après la mort de son auteur, Le professeur est le premier roman écrit par Charlotte Brontë, et loin de moi l'envie d'être méchante mais : cela se sent. Je ne dis pas que c'est un mauvais premier roman, sa qualité est d'ailleurs bien supérieure à un certain nombre d'ouvrages édités aujourd'hui, mais de la part d'une femme qui a quand même écrit ensuite Jane Eyre, pur chef-d'œuvre (que personne ne remette mon avis en cause), on a tendance à espérer plus. L'écriture manque encore un peu de force, et les personnages sont trop esquissés pour qu'on puisse réellement saisir leur profondeur psychologique; aucun d'eux n'a su retenir mon attention ni m'émouvoir. Le personnage central, Crimsworth, est fade; et quand l'auteur tente de donner du caractère à l'une de ses créatures, cela donne M. Hunsden, une figure masculine particulièrement étrange et détestable. Cet homme se veut un genre de guide pour le jeune professeur, il tente dès le début de le secouer, de lui ouvrir les yeux, afin qu'il obtienne mieux que sa situation actuelle. Il réapparaît ensuite ponctuellement, notamment quand il est question du mariage de Crimsworth (je ne vous dis pas avec qui, afin de donner l'illusion d'un piètre suspense, mais quand on lit le roman, croyez-moi, il n'y en a aucun). Ses propos m'ont semblé incompréhensibles, sa rudesse inutile. Son importance dans l'histoire ne m'a pas sauté aux yeux.
Mais restons objectifs : il y a pire.

J'ignore totalement si c'était habituel de l'époque mais Charlotte Brontë s'en donne à cœur joie dès qu'il est question de médire sur la Belgique. Deux exemples :

« Certes les deux pauvres garçons étaient Belges et avaient la figure nationale, où l'infériorité intellectuelle est gravée de manière à ne pas pouvoir s'y méprendre: mais ce n'en était pas moins des hommes; qui plus est, des hommes honnêtes, et je ne voyais pas comment leur qualité d'indigènes de ce pays plat et insipide motivait le mépris et la sévérité dont on les accablait. »

« Derrière elle étaient deux rangées de Flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient remarquer deux ou trois exemples de cette difformité physique et morale que l'on rencontre si fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le climat y est assez insalubre pour amener la dégénérescence de l'esprit et du corps. »

Cela donne vraiment envie de découvrir le plat pays et ses habitants.
Ces charges sont répétées plusieurs fois dans le roman; je ne sais pas quel accueil ces propos ont eu à l'époque, mais aujourd'hui, c'est agaçant de lire de telles choses. Ne croyez pas la France épargnée, on a aussi notre phrase de gloire :

« Véritable Français, la nature n'avait pas omis de lui donner cette dose de violence qui est l'un des traits caractéristiques de sa nation. »

Voyez comme c'est agréable. Il y a encore d'autres charges à propos d'autres pays ou d'autres sujets, mais personne n'a envie de lire un billet exhaustif, n'est-ce pas. J'ai déjà évoqué une quantité suffisante de défauts agaçants, il serait mieux de continuer sur une note un peu plus positive.
Charlotte Brontë fait preuve d'ironie à l'encontre des romancières et se permet un clin d'œil amusant :

« l'ambition, du moins tel est mon avis, n'est pas à sa place chez une femme, l'ambition littéraire surtout. »

Cela fait d'autant plus sourire qu'elle place ses mots dans la bouche d'une femme, Mlle Reuter, la fameuse responsable du pensionnat féminin, au physique charmant mais aux capacités intellectuelles tournées vers l'art de la manigance et de la manipulation. Comment concevoir alors qu'une femme puisse vouloir fructifier son imaginaire pour écrire des œuvres de fiction ?
Qu'importe, cela reste un détail - car la jeune femme attaquée ne sera pas écrivain; elle optera pour un métier bien plus réaliste, plus convenable.

Bien que cela reste un roman superficiel (dans le sens basique du terme : il ne s'aventure dans aucune profondeur, psychologique, sentimentale, dramatique...), Le Professeur n'en offre pas moins une lecture agréable, positivement récréative et sympathique.
Mais quand même, relisons plutôt Jane Eyre.

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Commentaires
E
* Ofelia, "s'épousaille", ça sonne un peu comme "cochonnaille". Mais je te pardonne. Dès que les avions circulent tous, ziouuuuh, Las Vegas.
O
Tu viens de me faire éclater de rire.<br /> Allez, on s'épousaille.
E
* Karine, comme tu dis : le label "Brontë" suffit quand même à le lire, même si c'est un roman mineur comparé à ce qu'elle a pu écrire d'autre...<br /> <br /> * Ofelia, comment on a TROP de points communs, ça m'espante. Tu veux pas qu'on se marie, pour fêter ça ? :)<br /> <br /> * Fashion, si tu le lis un jour, préviens-moi, que je commence à me ronger les ongles. Vraiment pas sûre que tu aimes, hélas. :-(<br /> <br /> * Caro[line], c'est bien d'être fidèle à tes ancêtres, contrairement à cette jeunesse ingrate que j'incarne ;-)<br /> Et "Villette" a l'air d'être une meilleure pioche !
C
Bah moi, j'ai PAS DU TOUT envie de le lire, ce roman. Et oui, cela à voir avec mes origines belges et flamandes. Non mais. (Et elles ne provoquent pas de frissons chez moi. Non mais.)<br /> <br /> Sinon j'ai Villette dans ma PAL, donc je me concentrerai plutôt sur celui-là alors. ;-)
F
Oui, je sais.<br /> Je ne sais pas si je vais pouvoir résister d'ailleurs. Parce que la chair est faible hélas, et je n'ai jamais lu Henry.<br /> Wait and see.
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