Un petit serial killer pour la route ?
L'Aliéniste
de Caleb Carr (1994)
traduit par René Baldy et Jacques Martinache
Anna West, Williamsburg Bridge
(lieu où le premier cadavre du livre est découvert...)
Non, Non, NON, il n'est pas question d'une véritable note de lecture, j'ai perdu l'habitude (si tant est que je l'ai(e ?) eue un jour) mais je ne peux pas taire le plaisir que j'ai éprouvé avec ce roman, ce qui était nécessaire après quelques lectures variant de l'ennui à la perplexité en passant par le désarroi. Bref, il y a eu quelques ratés qu'il fallait absolument soigner par un roman prenant, divertissant, et où il n'y avait pas d'histoire d'amour compliquée et/ou triste. J'ai été entendue.
Pendant quelques jours, j'ai voyagé dans le New-York de la fin du XIXe siècle, où un affreux bonhomme tue de jeunes garçons et les mutile sauvagement. Mais personne ne s'intéresse à ces enfants qui se prostituaient, et ni la police ni la presse ne couvrent ces événements, jusqu'à ce que Laszlo Kreizler, aliéniste de son métier, se révolte contre ces horreurs. Attention, définition : un aliéniste étudie les pathologies des malades mentaux, des aliénés (logique, hein). Parce qu'il veut arrêter ces crimes et connaître ce qui a poussé le meurtrier à commettre des actes d'une spectaculaire barbarie, Kreizler se lance dans une enquête officieuse, entouré d'un journaliste (John Moore, le narrateur de l'histoire), et de deux sergents et d'une femme (oui, incroyable), tout en étant soutenu par un certain préfet, Théodore Roosevelt. Ensemble, ils vont se lancer dans une recherche frénétique, dans une course contre un homme qui continue à tuer sous leurs yeux, en somme, dans une quête qui les mènera bien plus loin qu'ils ne l'auraient imaginé...
Roman haletant et passionnant, L'Aliéniste décrit aussi tout un système judiciaire qui tâtonne encore (les empreintes digitales, par exemple, ne sont pas encore reconnues comme des preuves), une réalité historique qui est loin de nous mais qui ne manque pas d'intérêt. Les habitudes de travail de Kreizler ne lui attirent par ailleurs que des ennemis; on regarde d'un mauvais oeil cet homme qui a l'outrecuidance de croire que des actes meurtriers ne signifient pas irrémédiablement la folie de celui qui les commet, et qu'au contraire le contexte entre en jeu : enfance, parcours personnel, traumatismes, autant d'éléments qui peuvent expliquer certains gestes (et expliquer ne veut pas dire accepter, pardonner).
Le sujet même du roman était déjà alléchant, il est de plus soutenu par une écriture captivante et maîtrisée (chaque fin de chapitre est tournée d'une façon diabolique, ce qui vous empêche de poser le livre pour sans cesse connaître la suite. Diabolique, je vous dis !). Caleb Carr nous offre une plongée dans un monde sombre, crasseux, où les magouilles pullulent, où il n'est pas bon de creuser là où des secrets sont cachés, où on paie de sa personne pour avoir été trop curieux. Et le lecteur de voir certaines images s'immiscer dans ses rêves les plus noirs...