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N.u.l.l.e.
7 août 2007

Une carte postale de Manderley

Rebecca
de Daphné du Maurier (1938)
traduit de l'anglais par Denise Van Moppès

Je venais de terminer mes lectures obligatoires pour la Fnac (j'en reparlerai bientôt), je partais en vacances. Il me fallait quelque chose de bon (pour oublier la sélection Fnac - oui, je suis méchante, un peu à tort, et alors ?), de divertissant, de pas trop triste, et d'efficace. Oui, je suis exigeante. Cela faisait des mois que je me gardais de côté ce roman, et il était temps de m'en offrir la lecture. Je dois à Rebecca les meilleurs moments de ma première semaine de vacances (fille indigne que je suis !).

Rebecca_1

Quand on est une jeune fille pauvre, un peu maladroite, une jeune fille dont le cœur n'attend que de connaître la passion, il est difficile de rester de marbre face à Maxim de Winter, un homme riche et veuf depuis peu. Sa femme - Rebecca - est morte noyée, près de leur immense propriété, Manderley. Il n'est plus le même depuis cette perte si brutale. Pourtant, il épouse la narratrice (qui est la jeune fille pauvre du début - il faut suivre ! - son absence de prénom n'est pas une raison pour se laisser distraire) et quand ils rentrent, ensemble, à Manderley, la nouvelle Madame de Winter va découvrir un lieu où le souvenir de Rebecca suinte à travers les pierres, un lieu où il n'y a pas de place pour elle. Car, comment rivaliser devant la défunte beauté ? "J'aurais pu lutter contre une vivante, non contre une morte", dit la narratrice...

Toute l'intrigue se noue autour de la jeune femme, puisque ce n'est qu'à travers ses yeux que nous avons accès aux différents événements. Il ne nous est pas permis de penser autrement qu'elle, et pourtant, si elle se trompait ? Au début naïve, ensuite éprise d'amour pour cet homme taciturne plus âgé qu'elle, puis perdue dans ce Manderley où elle ne peut qu'agir comme une personne en trop, un parasite, elle va devoir avancer au quotidien, sentant peser autour d'elle de lourds secrets. Car, bien qu'elle soit partout, il est presque tabou de parler de Rebecca. Omniprésente, la défunte trouve sa plus grande alliée en la personne de Mrs Danvers, la gouvernante de la maison, qui ne peut se résoudre à la perte de sa maîtresse... si belle, si jeune, si intelligente. Comment est-ce possible ? Et Maxim, lui aussi, semble bien loin de sa nouvelle femme...
L'ambiance est pesante sans être suffocante - je veux dire par là que je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus noir, de plus angoissant. Ne comprenez pas non plus que c'est une fade bleuette, au contraire. Un véritable suspense s'installe au fil des pages, qui sont imprégnées d'un seul nom : Rebecca. A tel point qu'on ignorera jusqu'au bout le seul prénom de la narratrice, comme si elle n'était qu'un intermédiaire pour aller à l'essentiel, c'est-à-dire jusqu'à la disparue. Il est difficile de s'éloigner du roman une fois qu'on l'a ouvert, tant la page suivante paraît contenir des détails passionnants... L'écriture est légère (elle n'est pas alourdie par des tournures trop précieuses, ou obsolètes), délicate, captivante. Quant à l'intrigue, ah ! J'en ai déjà beaucoup dit, je tairai le reste. Mais c'est un grand roman, habilement mené, subtil.

"Je frissonnai involontairement comme si quelqu'un eût ouvert une porte derrière moi et laissé entrer un filet d'air froid dans la pièce. J'étais assise dans le fauteuil de Rebecca. Je m'appuyai au coussin de Rebecca et le chien était venu poser sa tête sur mes genoux parce que c'était son habitude et qu'il se rappelait la main qui autrefois lui donnait du sucre..."

rebecca Ensuite, comme toute personne consciencieuse, j'ai regardé l'adaptation hitchcockienne du roman. Elle date de 1940 et l'affiche dit mieux que moi les noms des acteurs principaux. J'attendais beaucoup du film, déjà parce qu'on est en droit d'en attendre beaucoup d'Hitchcock, et ensuite parce que le roman m'avait beaucoup plu. Sans comprendre réellement pourquoi, j'ai été déçue. Film trop long, trop fidèle (même s'ils ont édulcoré un point de l'intrigue pour ne pas "salir" l'un des personnages). C'est absurde de critiquer la fidélité au roman, car on s'insurge aussi quand le réalisateur prend trop de libertés... alors, quoi ? Je ne sais pas. La musique, les gros plans sur les yeux effrayés de la nouvelle épouse, cela m'a semblé trop mélodramatique et un peu poussiéreux. Mrs Danvers, aussi, qui est un excellent personnage dans le roman, m'a déçue au premier abord... je me rends compte désormais qu'elle est tout simplement plus hitchcockienne que danversienne. On a vu pire défaut... Même si j'ai la dent dure, ça reste une très bonne adaptation mais, à mes yeux, en-dessous du roman.

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Commentaires
E
C'est pardonnable de ne pas s'en être rendu compte ! L'histoire est tellement prenante... mais je ne sais pas pourquoi, c'est un détail que j'ai retenu. Pour une fois que je vois ces petites choses !<br /> Merci d'être passée par ici :-)
E
Eh ben ça! Je me rends compte que je n'avais pas remarqué que la narratrice n'a pas de prénom (connu). Et je suis d'autant plus impardonnable que j'ai lu Rebecca plusieurs fois (au moins trois). Et effectivement, ce n'est pas de l'ordre du détail, puisque tout le livre, dès le titre, est consacré à Rebecca, comme tu l'exposes très bien. Comme quoi j'ai bien fait de venir me perdre par ici!
E
Harold et Maude !!! Je ne savais pas que c'était l'adaptation d'un roman... je l'ai vu cette année, et j'ai été très mal à l'aise. Le personnage d'Harold a été une vraie claque pour moi. Un grand film pour moi qui n'ai pas lu le roman !<br /> <br /> Quand à Daphné du Maurier, j'ai acheté deux de ses classiques apparemment, "Ma cousine Rachel" et "L'auberge de la Jamaïque"...
H
Quels sont ces autres livres ? De toute façon, je suis presque certaine que tu les aimeras. Je n'ai pas tout lu d'elle mais j'ai aimé tout ce que j'ai lu d'elle. Mais tu as commencé très fort avec ce titre. <br /> Inculture ? Nous en sommes tous là, non ? Pff. <br /> Je crois que l'on a toujours des attentes spécifiques quand on a aimé un livre soudain adapté en film. Exemple : hier soir, j'ai vu le film Harold et Maude. Je connais parfaitement le petit livre que j'adore. Et le film a créé un léger malaise en moi, alors qu'il est très honnête, voire plus, mais je ne puis le juger équitablement.
E
Je connais très peu Hitchcock - n'oublie jamais que je suis d'une inculture désespérante - mais j'aime beaucoup. Vraiment beaucoup. <br /> Tu sais, j'ai réfléchi à ce cas précis, et je devais avoir trop d'attentes ou alors, ayant créé mon propre film pendant la lecture, je n'ai pas reconnu mon imaginaire face à celui d'Hitchcock. Je ne sais pas. Ca m'avait un peu chagrinée.<br /> Et je me suis offert deux autres livres de D. du Maurier ! :-)
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