Une maison vide
J'avais bien dit que je reparlerais de Cléo de 5 à 7, et il faut savoir que je tiens parole. Parfois.
Il y a deux points sur lesquels je souhaitais revenir.
Cléo est une petite chanteuse parisienne, dont le succès risque d'être éphémère. Mais pour que ça ne soit pas le cas, elle travaille à un nouvel album avec ses musiciens - son pianiste (interprété par Michel Legrand) lui propose une chanson un peu plus grave que ce qu'elle interprète d'habitude. Cela s'appelle Sans toi, et c'est réellement un texte de Michel Legrand :
Je ne sais pas si un tel extrait passe bien quand on n'a pas vu le film; peut-être que ça paraît kitsch ? Mais quand on sait comme Cléo se sent seule (son amant n'est pas très attentif) et comme elle est rongée par l'inquiétude (n'oublions pas qu'elle attend un avis médical), le texte prend une nouvelle ampleur; personnellement, je la trouve touchante.
Elle l'est une nouvelle fois, plus tard, lorsqu'elle rencontre Antoine dans le parc Montsouris. Cette fois, pas d'image; juste leur conversation, que je vous retranscris. Il est vrai que c'est plutôt Antoine qui prend la parole, mais cet échange en dit beaucoup sur les deux personnages, à mon avis.
(la première réplique est d'Antoine)
- De quoi avez-vous peur ?
- J'ai peur de tout. Des oiseaux, de l'orage, des ascenseurs, des aiguilles et puis maintenant, cette énorme peur de mourir.
- Si vous étiez avec moi en Algérie, vous auriez tout le temps peur alors.
- Quelle horreur !
- Moi, c'est plutôt mourir pour rien qui me désole. Donner sa vie à la guerre, c'est un peu triste. J'aurais mieux aimer la donner à une femme. Mourir d'amour.
- Vous n'avez jamais été amoureux ?
- Oh si, des tas de fois, mais jamais autant que j'aurais voulu; à cause des filles, vous savez comme elles sont. Elles aiment et puis, total, elles aiment qu'on les aime; elles ont peur de tout, de se donner à fond, d'y laisser une plume ou deux, d'être marquées. Elles aiment à moitié, elles s'économisent. Leur corps, c'est comme un joujou; ce n'est pas leur vie. Alors moi aussi je m'arrête en route, je débraie. Excusez-moi de vous dire tout cela, je ne vous connais pas.
- Si, vous dites vrai.
- Vous avez déjà aimé ?
- Oui, comme ça, comme vous dites. Toujours eu peur de me faire avoir.
Aucune analyse de ma part.
Juste l'envie de prolonger le charme du film.